Qui a dit que le cinéma allemand était chiant, lourd, ennuyeux et insipide ? Une fois mon voyage à Berlin effectué et le pèlerinage obligatoire au Musée du Cinéma local accompli je n’avais qu’une envie. Tenter de prouver que les films teutons sont à tort perçus comme un divertissement de cinéphile snobinard et grincheux. Le cinéma de nos voisins germaniques, je vous l’assure, à plus d’un tour dans son sac pour contenter tout les publics. Pièces maitresses et génies de l’art ont fait de lui un monde fascinant et bien plus accessible qu’on ne le croit. Pour tenter de vous en convaincre, voici le classement de mes films préférés. Pour des raisons évidentes il ne comporte aucun film du criminel cinématographique allemand numéro 1 : Roland Emmerich.
Ah, deux remarques avant de commencer néanmoins :
- Il s’agit bien évidemment d’un top subjectif et où, par honnéteté, j’ai essayé au maximum de mettre uniquement des films que j’ai vu en entier (à l’exception du Cabinet du Docteur Cagliari et de M le Maudit dont j’ai vu uniquement des extraits). Je n’ai donc pu inclure entre autres Nosferatu, Les Ailes du Désir , le Tambour, Head-On, et les films de Fassbinder.
- J’ai divisé ce top en deux : un top découverte et un autre cinéphile. Non pas par snobisme en estimant que les films du deuxième classement sont accessibles seulement à quelques uns mais seulement parce que pour aimer ces films, il faut vraiment aimer le cinéma dans sa totalité, y compris les vieux films et ceux d’art et d’essai. Tout ça pour que vous ne vous fassiez pas grave chier en regardant l’Ange Bleue. Ce serait vraiment dommage.
8- L’Histoire sans fin de Wolfgang Petersen -1984 :
Quiconque a vu ce film est resté traumatisé par la mort du cheval Atrax. Adapté du roman de Michael Ende, l’Histoire sans fin est un sympathique conte un peu étrange, peuplé de créatures fantastiques et d’épreuves héroïques. Le film offrait de plus, un sympathique hommage au rôle du lecteur, amateur et créateur de ses propres fictions, jusqu’à ce qu’elles se mélangent avec son quotidien. Wolfgang Petersen aurait pu arrêter sa carrière ici et nous épargner l’insipide Troie et le remake désastreux de Poséidon.
Le plus : l’attachant personnage de Falkor, le dragon à tête de chien.
7- La Vague de Dennis Gansel -2008 :
Dans un lycée allemand, face au scepticisme de ses élèves face à la possibilité d’une nouvelle dictature fascisante, un professeur décide d’organiser un jeu de rôle géant dont les conséquences vont s’avérer dramatique… Si les besoins de la fiction rendent le propos politique parfois un peu facile, la Vague brille par son efficacité. Véritable film « coup de poing », il entraine le spectateur dans les tréfonds de l’âme humaine. Inspiré de l’expérience de Milgram , froide démonstration du pouvoir de l’autorité.
Le plus : La scène finale, choquante et glaciale.
6- Soul Kitchen de Fatih Akin -2009 :
Ce n’est peut-être pas le film le plus connu de Fatih Akin, le surdoué réalisateur allemand d’origine turc, mais c’est sans doute son plus jouissif. Récit des tribulations de Zinos, propriétaire de restaurant, Soul Kitchen est un joyeux délire bourré de personnages barrés, qui en dit beaucoup plus long sur la société allemande qu’en apparence.
Le plus : le personnage de Shayn, cuisinier bourru amoureux des couteaux.
5- La Chute de Oliver Hirschbiegel -2004 :
Sans aucun doute le film le plus controversé de l’histoire du cinéma allemand. Et peut-être le plus connu « grâce » aux nombreuses parodies de la célébrissime scène de la colère du Führer. La Chute narre les derniers jours d’Hitler (interprété par un Bruno Ganz impressionnant) et de ses âmes damnés. Terrifiant, éprouvant jusqu’à la nausée, ce film nous rappelle pourtant une vérité aussi simple que difficile à admettre : les nazis étaient des barbares, des criminels et des ordures, mais ils étaient aussi des êtres humains. Et c’est peut-être là le plus terrible. Appréhender n’est pas pardonner, comprendre n’est pas justifier.
Le « plus » : L’abominable scène où le docteur Goebbels et sa femme empoisonnent leurs enfants, peut-être l’une des scène les plus affreuses de l’histoire du cinéma- car inspirée de faits réels.
4- Good bye Lenin! de Wolfgang Becker -2002 :
En Allemagne et plus particulièrement à Berlin, depuis quelques années souffle une vague d’ « Ostalgie ». Ce terme un peu barbare désigne la nostalgie du régime communiste de la RFA et de ses attributs (voitures, nourritures… voire même la terrifiante Stasi, la police politique, thème d’un restaurant berlinois !). Le regret, en bref, d’un monde où l’égalité était au moins promise. Good bye Lénin ! est une illustration intelligente de cette mélancolie : dans le Berlin d’après la réunification, un fils tente de cacher à sa mère qui sort du coma la chute du Mur. Une œuvre doucereuse et rêveuse qui ne manque pourtant ni de lucidité à l’égard de la dictatoriale RFA ni de cynisme à l’égard du nouveau modèle capitaliste.
Le plus : l’interprétation enjouée et volontaire des acteurs, tellement communicative.
3- To Be or Not to Be/ Jeux Dangereux d’Ernst Lubitsch -1942 :
En 1940, alors que l’Amérique se demandait si elle allait entrer ou non en guerre, Chaplin ridiculisait Hitler dans son extraordinaire Le Dictateur. Lubitsch lui emboitait le pas en 1942 dans son hilarant Jeux Dangereux (To Be or Not to Be en anglais), comédie diaboliquement efficace sur la lutte de résistants polonais contre un nazisme aussi menaçant que grotesque. Un enchainement de scène qu’on qualifierait aujourd’hui de « cultes », dont celle du monologue d’Hamlet.
Le plus : La réplique « Ce qu’il fait à Shakespeare, nous le faisons à la Pologne ».
2- Métropolis de Fritz Lang -1927 :
Fiction sur une cité futuriste aussi démentiellement grande que dramatiquement inégalitaire, Métropolis impressionne toujours son public. Réactionnaire ou humaniste selon les moments et les interprétations, Métropolis déroute et fascine. Le film de Fritz Lang reste une œuvre visionnaire et complexe, qui a étonnement peu vieilli. Cette pépite posa en outre les bases de bons nombres de thèmes, concepts et attitudes cinématographiques futures comme le savant fou, la femme fatale, les voitures volantes…
Le plus : Les incroyables décors.
1- La Vie des Autres de Florian Henckel von Donnersmarck -2006 :
Le contrepoint parfait de l’ « ostalgique » Good Bye Lenin ! Ce film, chef d’œuvre d’introspection des sentiments humains-des plus bas aux plus nobles- prend place dans la RFA des années 80. Un pays sous surveillance, où le régime d’obédience soviétique contrôle ses citoyens grâce à l’implacable Stasi, la police politique. L’un des membres de cette police tyrannique est chargé de surveiller un couple d’artistes, qui vont bientôt le fasciner. Drame étonnant, porté par son fabuleux interprète principal (Ulrich Mühe), ce film est un réquisitoire intraitable contre la brutalité d’une dictature glacée. La Vie des Autres nous prouve que même dans le bourbier d’un régime en forme de fange remplie de lâches, d’autoritaires et d’ambitieux, peut émerger une simple attitude humaniste, humaine.
Le plus : La scène finale, émouvante aux larmes.