Qui dit nouvelle année dit toujours « palmarès » de l’ancienne. Mais avant de vous présenter mes dix films favoris de 2014, décernons quelques prix spéciaux ! Et rappelez-vous, tout cela est et reste subjectif. A bon entendeur, bonne lecture !
Prix “Vieux Port” :
Cédric Jimenez pour “La French” : Couleur bleue et blanche.
La dernière fois qu’un mec qui s’appelait Gimenez a débarqué à Marseille, il était footballeur, argentin et, comme on dit dans les virages, c’était une immense pipe. Plus grosse que celles de Brassens et Magritte réunies, pour vous donner une idée. On ne sait pas si Cédric Jimenez joue mieux au foot, mais en tout cas il réalise bien.
“La French” est un “policier” racé et efficace, qui fait la part belle à un casting local de qualité (Cyril Lecomte –aucun lien- Moussa Maaskri et beaucoup d’autres…), sans qu’on y retrouve, curieusement, aucun acteur de Plus Belle la Vie. Ce qui est quand même dommage, j’aurai bien payé pour me taper une immense barre en regardant Roland Marcy jouer les mafieux.
En parlant de casting, le duo d’acteurs principaux est à la hauteur du duel Zampa/Michel. Dujardin, notre OSS 117 adoré (impossible de ne pas penser à Hubert dans certaines répliques…) est encore une fois royal. Quand à Lellouche, il semble habité par le rôle. Reste à décerner une mention spéciale à la révélation Guillaume Gouix.
Alors, que manque-t-il ? Un supplément d’âme sans doute et aussi un supplément de cinema, malheureusement. Le film ne prend pas assez de risques, paraissant un peu intimidé par son difficile sujet… “La French” aurait fait un excellentissime téléfilm, mais ne donne qu’un bon film. Dommage.
Réalisateur : Cedric Jimenez.
Scène : La confrontation entre Zampa et Michel en haut des côlineuh de Marseille.
Prix du Blockbuster :
James Gunn pour « Les Gardiens de la Galaxie » : Casillas, Bouffon, Neuer.
Depuis Avengers, on sait qu’un bon gros blockbuster des familles peut tout à fait offrir une immense dose de fun sans être totalement débile. Le moins qu’on puisse dire, c’est que « Les Gardiens de la Galaxie » a retenu la leçon. Contrairement à Transformers, par exemple. Par exemple.
« Les Gardiens », c’est un aperçu du film que Georges Lucas aurait pu faire s’il avait passé un mois à écouter du bon rock old school en prenant des ecstasy, avant de se mettre à Star Wars. On y croise une reprise de l’Ile des pirates de Peter Pan façon Alien, un hilarant Ent de l’espace, Benicio Del Toro fringué n’importe comment, et surtout un raton laveur qui tire à la mitraillette. Ca fait déjà quatre bonnes raisons d’adorer le film.
Plus que son histoire, assez classique, c’est par ses personnages déjantés et son esprit que « Les Gardiens » s’impose. Le film a la grande qualité de ne jamais se prendre au sérieux, n’hésitant pas à saborder ses propres scènes clichés par une auto-dérision salvatrice. La définition du film « pop-corn ».
Réalisateur : James Gunn.
Scène : Cherchez la meilleure scène de Groot. Vous avez la meilleure scène du film.
Prix de l’Anti-blockbuster :
Stéphane Demoustier pour Terre Battue : Les Frères Dardenne jouent au tennis.
« Terre battue » n’est pas un grand film, au sens littéral. Il n’en a d’ailleurs ni l’envie, ni la prétention. « Terre battue » se contente d’être un très bon film. Ce qui est déjà pas mal.
A travers une mise en parallèle du monde de la consommation et de celui du sport, l’histoire propose une parabole impitoyable sur les valeurs ultra-libérales actuelles, au premier rang desquelles : la compétition. On sent l’influence des Dardennes planer. Pas étonnant, les frangins sont producteurs.
Sans aucune surcharge gratuite, d’un réalisme glacé, le film appuie là où ça fait mal. Il lui suffit d’une histoire familiale tout à fait banale. Porté par un Olivier Gourmet époustouflant, il déroule sa dénonciation clinique, jusqu’à la fin, véritable couperet.
Réalisateur : Stéphane Demoustier.
Scène : la scène finale.
Prix Woody Allen :
Woody Allen pour Magic in the Moonlight : On dirait le Sud.
Il a beau répéter aux journaux et à son psy (les deux servant parfois à peu près à la même chose) qu’il est très fatigue, il n’empêche que le Papy le plus drôle du cinéma moderne continue de rendre sa copie chaque année avec une régularité de métronome. Et ses derniers temps, mis à part une escale assez insipide à Rome et le vraiment pas terrible “Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu”, il est plutôt en forme, Woody.
Confirmation avec “Magic in the Moonlight”, bien plus intéressant et intelligent qu’il n’y parait. Derrière ses airs de comédie romantique, le film s’avère une belle réflexion sur les croyances et l’irrationnel. Alors, y croire ou pas ?
Ajoutez à cela l’art du dialogue de Woody, une photographie sublime (c’est beau PACA, peuchère…) et l’impayable Eileen Atkins, dame de trèfle du quatuor des vieilles canailles british (avec Judi Dench, Helen Mirren et Maggie Smith…); mélangez, laissez reposer 1H37 et vous aurez un film savoureux, à déguster comme un marron glacé à Noël. Et puis, mon dieu, qu’est ce qu’Emma Stone est belle…
Réalisateur : Woody Allen.
Scène : Celle où la tante tire à la fois les cartes et les vers du nez de son neveu, l’air de rien.
Prix “Ca me rapelle mon mémoire” :
Dan Gilroy pour Night Call : Pleine petite lucarne.
A coté de la télévision américaine, TF1 ressemble à Arté. C’est du moins la difficile conclusion à laquelle on parvient après avoir vu le dérangeant “Night Call”.
Le film repose principalement sur la performance d’un Jake Gyllenhaal ahurissant. Tout en regard glacant et en calme inquiétant, l’américain compose un inoubliable sociopathe. Une simple confirmation de son très grand talent, parfois malheureusement oublié (alors que bon “Brockeback Mountain” ou “Prisoners”, c’est quand même pas “Joe le Clodo 3”…). Les Oscars ne s’y sont pas trompés qui… ne l’ont pas sélectionné. Merci, les Oscars.
Si l’on regrettera malgré tout quelques ficelles un peu grosses, notamment psychologiques, “Night Call” n’en reste pas moins une charge cruellement actuelle. Son aspect le plus savoureux restant le discours du personnage de Gyllenhaal, parodie jouissive de tout le “bullshit” des discours de réussite…
Réalisateur : Dan Gilroy.
Scène : le dialogue entre le personnage de Gyllenhaal et son stagiaire à propos de la remuneration, dans la voiture.
Prix “Je suis droit de l’hommiste et je vous merde” :
Steve Mc Queen pour Twelve years a slave : Martin Luther King likes this.
Au-delà de tout débat à la con, il faut bien reconnaitre que “Twelve years a slave” est un très bon film. De par son histoire extrêmement prenante, bien sur, traversé par quelques scènes insoutenables. De par son excellent casting aussi. En plus des impeccables Paul Dano et Benedict Cumberbacht, Chiwetel Ejiofor livre une interprétation dense et profonde, Lupita Nyong’o est une fascinante révélation, Fassbender est égal à lui-même, c’est à dire excellent… On croise même Brad Pitt, qui passait par là.
Il n’est pas donné à tout les réalisateurs prometteurs de passer le test du “grand film hollywoodien”. Steve McQueen s’en sort avec les honneurs, rappelant l’espace de quelques plans qu’il est aussi un virtuose de l’image.
On en sort l’estomac noué, et pensif… Un rappel bienvenu, quoi qu’on en dise.
Réalisateur : Steve McQueen.
Scène : celle du fouet infligé au personnage de Lupita Nyong’O, insoutenable.
Prix du « A deux doigts du top 10 » :
Xavier Dolan pour Mommy : Le retour de la.
Dorénavant, les cinéphiles ne se sentiront plus seuls à l’heure d’expliquer que « bordel, Xavier Dolan est le plus grand prodige du cinéma actuel ». Ce qui n’est pas tellement exagéré.
Car « Mommy », pour son spectateur, s’apparente à un parcours de montagne russe terminé par un uppercut en pleine gueule. Véritable déluge émotionnel, le film passe sans transition du rire aux larmes avec une maitrise dingue. Le dialecte joual utilisé est une véritable merveille, même si les sous-titres ne sont pas de trop…
Le gros point fort du film reste son casting. On a très rarement vu au cinéma un trio d’acteurs aussi bon. On manque sincèrement de superlatif à l’heure de qualifier la performance de Suzanne Clément, Anne Dorval et Antoine-Olivier Pilon. Plutôt que de chialer sur sa Palme comme un sale gosse, Xavier Dolan aurait mieux fait de pester sur l’absence de prix d’interprétation collectif. Ca, ca aurait été un coup de gueule mérité.
Réalisateur : Xavier Dolan.
Scène : Celle où Steve écarte l’écran sur la musique d’Oasis. Ou comment illustrer l’ouverture de l’horizon au sens métaphorique comme au sens littéral. Trouvaille de génie.