Mentions spéciales :
2014 était pour le 7 ème art une année relativement faible, où une poignée de « chef-d’œuvres » avaient bien du mal à jouer les arbres cachant la forêt. A l’inverse, si 2015 aura été un « anus horribilis » dans pleins de domaines, il aura été une excellente année cinéma. Autant que je m’en souvienne, à part l’immense déception qu’aura été Spectre (fucking Léa Seydoux !) et l’ennui éprouvant du Woody Allen nouveau, j’ai toujours passé un moment au moins sympathique dès que l’envie m’a pris d’aller vadrouiller dans les salles obscures. 2015, surtout, nous aura prouvé qu’on peut toujours faire des films « pop’ » excellentissimes et trouver encore de nouvelles manières de raconter des histoires. Quand vous regarderez mon top 10, vous vous rendrez compte qu’il est surtout marqué par deux types de films : d’excellents « blockbusters », pour beaucoup capables de réinventer le genre et des OFNI (Objets Filmés Non Identifiés), complétement barrés. Voilà ce que j’ai particulièrement apprécié cette année. Mais à année riche, problème de riche. Comment faire un top 10 sans laisser de côté de très bons films ? Un classement est souvent un crève-cœur. Choisir, c’est renoncer. Cependant, impossible de commencer mon top sans au moins évoquer cinq mentions spéciales. Ils ne sont pas dans le top, mais c’est de justesse.
La Vie très privée de Monsieur Sim (Michel Leclerc)
Michel Leclerc, c’est celui qui nous a offert ce petit bijou nommé « Le Nom des Gens ». Le défenseur d’un cinéma de l’humain, avec des histoires mélancoliques et douces. Un cinéma de gauche sans dogmatisme idéologique. « La Vie très privée de Monsieur Sim » reste dans cette veine. C’est un film à la fois cruel et tendre, sensible et ironique, où Bacri excelle dans son rôle de toujours, le looser grincheux. C’est une comédie qui ne cherche pas la facilité et appuie là où cela fait mal, mais avec bienveillance. « La Vie très privée de Monsieur Sim » parle de notre époque, mais sans prétentions aucunes. Dans le cinéma français, avoir autant de verbe sans se regarder le nombril, c’est assez notable. Bref, c’est un film à voir, un soir tranquille, sous une couette, les yeux pétillants et un petit sourire aux lèvres.
Le Fils de Saul (Lazslo Nemes)
Les camps nazis obsèdent les cinéastes. Pour autant, les chef-d’œuvres de fiction sur le thème ne sont pas si nombreux. « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais. Le magique « La Vie est belle ». Et pour certains, « La Liste de Schindler » même si, personnellement, ce Spielberg, je l’avoue, m’aura plutôt déçu. Lazslo Nemes aura eu le mérite de chercher sa propre voie, sa propre voix. Celle d’une histoire immersive au sens pur du terme où tout, et surtout la caméra, est centrée sur un personnage. Pour peu qu’on parvienne à « rentrer » dans le film, l’oppression en est décuplée. Comment un homme se comporte-t-il en enfer ? C’est la question à laquelle semble vouloir répondre le film. Pour cela, pas de jugements moraux à chercher. Saul n’est pas un héros. Loin de là. De même, la quête qui l’obsède n’est absolument pas glorifiée. Bien sûr, il y a ces plans-séquences parfaitement maîtrisées, nouvelle manie du cinéma d’auteur. Bien sûr, il y a le fait de parler d’une histoire méconnue, celles des sonderkommandos, rarement présentées au cinéma. Mais le plus grand coup de génie du film, c’est de commencer une histoire sur les camps par un écran noir et des gazouillements d’oiseaux.
Shaun le mouton (Nick Park et Georges Mickael)
Nick Parl et Georges Mickael sont des génies. Leurs noms ne vous disent sans doute rien et c’est très injuste, parce que vous êtes nombreux à avoir grandi avec leurs créations. Mais si, mais si. Si je vous dis « Wallace&Gromit » et « Chicken Run » ? Là, vous y êtes. En 2015, ils sont revenus avec un nouveau bijou : « Shaun le mouton ». Au programme, toujours cette même animation délicieuse à la pâte à modeler, fruit d’une patience immense et d’un amour de l’image par image à l’ancienne. Toujours ce même humour tendrement fou. Toujours cette avalanche de références. Toujours ces personnages incroyablement touchants (gros cœur sur le chien moche). Mais là où « Shaun le mouton » marque sa différence, c’est dans le fait que les dialogues sont uniquement composées d’onomatopées. Et cela marche du tonnerre, nous faisant revenir à un humour qui évoque les comiques muets, et particulièrement Chaplin. Ce n’est pas rien, quand même.
Taxi Téhéran (Jafar Panahi)
Cela fait un peu philosophie de comptoir, mais Taxi Téhéran montre une chose : c’est parfois dans les contraintes les plus dures que le plus bel art surgit (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il faut les lui imposer en général). Etre interdit de tournage dans son propre pays, l’Iran ? Il en faut plus pour arrêter Jafar Panahi. Le voilà qui achète une voiture, obtient sa licence de taxi et décide de filmer son quotidien avec son téléphone portable, au calme. Dans l’auto, des destins se succèdent, tous plus hauts en couleur les uns que les autres. Les dialogues sont magiques. A travers ces quelques bonhommes qui viennent se poser sur la banquette arrière, c’est un passionnant panorama de l’Iran qui se dessine, au-delà des gros titres médiatiques sur la politique étrangère du pays. C’est simple, non, de faire un super film ? En fait, oui et non. Il faut quand même avoir du talent, même pour tourner avec un smartphone. Or, Jafar Panahi est un gros malin. Tout le long du film, il maintient un doute. Ces gens qu’il croise, sont-ils des acteurs ? Connaissent-ils son projet de film ? C’est ce doute qui est beau. Personnellement, je n’ai toujours pas voulu percer ce mystère.
Imitation Game (Morten Tyldum)
Jusqu’à ce film, Alan Turing était un homme dont l’histoire méritait bien mieux que de simples citations dans des cours d’ingénieurs (on parle quand même de quelqu’un sans qui vous ne pourriez pas lire cet article). Jusqu’à ce film, Morten Tyldum, le réalisateur, était aussi un grand inconnu au bataillon. Après Imitation Game, l’un comme l’autre peuvent maintenant prétendre à la lumière qu’ils méritent. C’est un film historique qui, s’il ne révolutionne pas les codes du genre, loin de là, a au moins suffisamment de qualités pour être réellement efficace et prenant. Un film pro-féministe et droits des homosexuels d’une grande finesse. Le casting y est pour beaucoup : Cumberbacht, habitué des rôles de sociopathes, fait un sans-faute et les seconds rôles se donnent à fond, notamment Keira Knightley, dans un de ses meilleurs rôles. Mais ce qu’on apprécie le plus, c’est ce refus du simplisme. Aucune idéalisation, la période et les choix des personnages sont présentées dans toute leur complexité. Cela fait du bien de ne pas se sentir pris pour des cons.
Sans oublier :
-Le très prenant « Enfant 44 », injustement décrié par la critique à sa sortie.
-Ou encore le dessin animé inspiré par Tardi, « Avril et le monde truqué », très sympathique, très inventif et très bien doublé.
A bientôt pour le début du classement avec un 10ème venu d’une galaxie lointaine, très lointaine….