6° Dallas Buyer Club.
Les années 80.
Aussi curieux que cela puisse paraître, la représentation du SIDA au cinéma est plutôt rare. Seul “Philadelphia”, avec Tom Hanks, semble être resté dans l’imaginaire collectif. Si à son époque le film a contribué de manière bienvenue à faire évoluer les mentalités sur les séropositifs, aujourd’hui il s’apparente plus à un mélodrame bourré de pathos et peu subtil (bon ok, ce n’est que mon humble avis, posez cette pierre voulez-vous…). Or, est-il nécessaire de le rappeler, malgré son caractère pandémique et omniprésent, le SIDA nourrit toujours autant de fantasmes sur les victimes et reste marqué par une grande inconscience sur les risques. Dallas Buyer Club est donc venu combler un certain vide.
En se concentrant sur la période où le SIDA était encore marginal, le film fait le bon choix. A cette époque, la maladie est encore qualifié de “cancer gay” (on avait le sens de la formule douteuse, en ce temps-là…) et la majorité du public estimait qu’en dehors des parties fines homosexuelles et des piquouzes de drogués, il était impossible de choper le bidule. Choisir l’un des premiers contaminés hétérosexuels comme personnage principal devient donc un ressort extrêmement dramatique, dans tous les sens du mot. Le rejet auquel fait face Ron Woodroof est d’autant plus fort que son milieu, celui du rodéo, n’est pas connu pour regarder d’un bon œil les câlins entre paires de couilles…
Au passage, “Dallas Buyer Club” en profite aussi pour placer une bonne bifle aux lobbys pharmaceutiques, ce qui est assez jouissif. C’est qu’à l’époque, le seul médoc’ utilisé pour le SIDA parait bien inefficace, voire dangereux, mais l’import d’autres solutions thérapeutiques est bloqué par les intérets économiques des fournisseurs locaux (rassurez vous, la mentalité des grands groupes n’a pas tellement évolué depuis…). Ron Woodroof, en mode pirate de la médecine, va donc s’associer avec un séropositif transgenre pour faire de la contrebande. Une histoire tout à fait authentique.
Aujourd’hui dans le cinéma, les “inspiré d’une histoire vraie” c’est un peu comme les sandales-chaussettes dans un groupe de touristes allemands : y en a pleins et c’est pas toujours nécessaire. Dallas Buyer Club fait exception : un duo composé d’un cow-boy et d’un gay qui se lancent dans le trafic de médoc’, c’est une story faite pour le cinéma. Et on peut faire confiance à Jean-Marc Vallée pour raconter des histoires à taille humaine (l’excellent C.R.A.Z.Y, c’était lui aussi).
Le scénario de “Dallas Buyer Club” vaut donc bel et bien le détour, mais c’est avant tout grâce à son casting que le film prend une immense valeur ajoutée. Si aujourd’hui, McConaughey semble aussi omniprésent sur les écrans que Nelson Monfort lors des championnat d’athlétisme sur France 2 (ok, la comparaison est pas cool), il y a encore peu c’était surtout un acteur dont personne n’arrivait à prononcer le foutu nom correctement. C’est en grande partie grâce à son triomphe dans “Dallas Buyer Club”, que le succès est venu. Une reconnaissance à la hauteur du talent brut du bonhomme, expert dans l’incarnation intense de ses personnages. Dans le film de Jean-Marc Vallée, Matthew est immense et donne une véritable leçon de jeu. En face, Jared Leto semble s’être rappelé en plein concert de Thirty Second To Mars qu’il était un acteur de génie, et qu’il était temps de faire un nouveau grand rôle pour que tout le monde s’en aperçoive. Impressionnant caméléon (“Mr Nobody”, ca vous dit quelque chose ?), Jared est parfait dans le rôle difficile, parce que facilement caricatural, du transgenre Rayon. Le duo porte le film. Ajouterez à cela que les deux acteurs ont perdus plus de vingt kilos chacun pour les rôles, vous comprendrez pourquoi cet perf’ burnée comme un taureau de compét’ leur a valu de scorer en duo aux Oscars.
Réalisateur : Jean-Marc Vallée.
Scène : l’annonce à Ron Woodroof de sa séropositivité.