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[TOP 10] Mes dix films préférés de 2014 : 9° Deux jours, une nuit

9° Deux jours, une nuit.

La lutte très classe.

Le débardeur rose qui fait la dif’.

1998, année Pirés. Robert gagne la Coupe du Monde et Gérard, aucun lien, réalise « Taxi ».  Un membre du casting de ce « Fast&Furious » sauce aioili, aura une carrière internationale. Samy Naceri, l’homme qui pensait qu’on gagnait au Monopoly en passant par la case prison ? Bernard Farcy, l’inénarrable commissaire qui ferait passer le Gendarme de St Tropez pour Sherlock Holmes ? Chuck Testa ? Nope, just Marion Cotillard, qui chopait à cette occasion sa première nomination aux Césars. Et oui, « Taxi » a été nominé cinq fois aux Césars, c’est pas moi qui le dit, c’est Wikipédia.

Les « anti-Marion Cotillard » ne manquent ainsi jamais une occasion de rappeler que « quand même, Marion Cotillard, c’est la meuf qui a débuté dans « Taxi ». Dans le « Cotillard bashing », cet argument est généralement la première salve, suivi rapidement par la dénonciation de son caractère insupportable, avant la bombe atomique : sa mort dans « The Dark Knight Rises ». Soit. Il est vrai que Taxi n’est pas l’apogée du cinéma français (a-t-il jamais cherché à l’être ?), que les interviews de Marion Cotillard sont généralement des moments difficiles et que les parodies de sa mort étaient hilarantes. Cela n’enlève pourtant rien au fait que Marion Cotillard est une actrice de génie. Bah si, et si t’es pas content, je m’en brosse les dents (#JimmyPunchline). Nouvelle illustration avec sa composition impériale dans « Deux jours, une nuit » (à ne pas confondre avec « 4 mois, 3 semaines, 2 jours »), où elle incarne Sandra, une prolo qui doit convaincre ses collègues de renoncer à leurs primes pour qu’elle puisse garder son emploi.

Dans ce film la Cotillard nous montre encore une fois qu’elle est une experte pour « habiter » ses rôles. Passé quelques minutes de film, l’actrice s’efface littéralement derrière son personnage de prolétaire en galère. Traits cireux, cernes plus profondes que le trou de la sécu, gestes empruntés, regard piteux, voix hésistante… la composition est hallucinante et dessine un personnage réellement touchant et complexe, dont la personnalité évolue vraiment tout au long du scénario. Il n’est de plus jamais simple d’apparaître dans toutes les scènes d’un film, sans exception…C’est peut-être ainsi la meilleure performance de Marion Cotillard, même à l’égard de celle, pourtant impressionnante, de « La Môme », car celle-ci repose moins sur l’habillage et le maquillage. En face, Fabrizio Rongione (un habitué des frères Dardenne) tient la dragée haute en incarnant un mari comme on aimerait en voir plus souvent, et pas seulement au cinéma. Quant aux rôles secondaires, ils rendent une copie parfaite.

Ce casting impérial est à l’image du film : profondément humain. Les frères Dardenne excellent à offrir des histoires à taille réelle, qui interrogent beaucoup sur l’état de notre société. Sans angélisme, ni caricature, toute leur filmographie a donné ses plus belles lettres de noblesse à ce qu’on a coutume d’appeler « le cinéma social ». A cet égard, « 2 jours, une nuit » est une de leurs plus belles réussites. Tout le film ne raconte que le « porte à porte » de Sarah, mais ne tourne jamais en rond pour autant.

Son autre grande qualité réside dans ce qu’il dénonce. N’allez pas chercher une pseudo-caricature, tout est beaucoup plus fin que vous ne le pensez. Ici, il n’y a pas de méchant, ni de gentil, seulement des pauvres gars que la société force à la confrontation. Au contraire d’un autre grand film social « Ressources humaines », la « guerre patron/employé » se déplace vers une tension sourde entre les employés eux-mêmes. La situation n’en est que plus terrible.  Avec subtilité et intelligence, les Dardenne nous montrent que la lutte des classes s’est petit à petit transformée en une lutte des pauvres. Le patron de l’usine est-il alors, in fine, le coupable ? Oui et non, car son chantage odieux est aussi immoral que parfaitement en phase avec la logique capitaliste. En en faisant un personnage quasi fantôme, les frères Dardenne refusent d’accabler un homme. Ce qu’ils visent c’est un système, une logique perverse de compétition entre les misères. La comparaison entre les difficultés respectives qui transpirent des dialogues entre Sandra et ses collègues est affreuse. Elle montre à quel point l’homme a peu à peu disparu de l’économique. Les frères Dardenne, eux, répètent inlassablement sans logique partisane : l’humain d’abord.

Réalisateurs : Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Scène : La scène de la voiture avec la chanson de Petula Clark, « La nuit n’en finit plus », est très belle mais le plus beau moment du film reste sa conclusion. Plutôt que de tomber dans le cliché, les Dardenne préfèrent un épilogue beaucoup plus marquant et émancipateur. On ne vous en dira pas plus.

licontinovich

Passionné par le ciné, tout simplement.

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