cinemaginarium » préférés Ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer les films. Fri, 31 Aug 2018 12:49:58 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.6 Mes films préférés de 2016 : avant propos et mentions spéciales /filmspreferes2016avantproposetmentions/ /filmspreferes2016avantproposetmentions/#comments Thu, 06 Apr 2017 15:21:27 +0000 licontinovich /?p=622 Continue Reading ]]> Il est encore plus difficile pour moi qu’à l’accoutumé de juger de manière globale cette année cinématographique. Une fois n’est pas coutume, je me suis peu aventuré dans les salles obscures au cours de 2016.  De plus, non seulement j’ai regardé peu d’oeuvres, mais rares sont celles à m’avoir transcendé. Année en creux ? Difficile à dire. J’ai loupé beaucoup trop de films unanimement célébré pour avoir un avis réellement pertinent.

« Mais alors, tu es en train de parler pour ne rien dire ? »

Alors déjà, qui êtes-vous, que faites-vous sur mon blog et d’où vous permettez-vous de me tutoyer ? Non mais oh ! Et puis sachez que non, pas d’inquiétude, Gertrude (si vous me permettez de vous appeler Gertrude). J’ai quand même un bon gros top 10 des familles à présenter, disons simplement que la sélection et la réalisation dudit top auront été à la fois plus facile (vu le peu de films visionnés) et difficile (pour qu’il puisse avoir un minimum de sens niveau exigence) que d’autres années. Bref, de toute façon, comme j’ai mon petit côté chieur/troll/canaille, on ne va pas commencer le top dans cet article.

« Oui, donc c’est ça, t’as dit tout ça pour au final parler de tout à fait autre chose ? »

Ta gueule, Gertrude. Non, je ne vais pas parler de « tout à fait autre chose », je vais simplement, avant mon top 10, m’arrêter un moment sur cinq mentions spéciales. Cinq films qui, pour diverses raisons n’ont pas leur place dans ma sélection, mais dont j’avais envie de parler quand même. Parce que c’est mon blog et que je fais ce que je veux.

Mention « Bonne surprise » : Les Animaux Fantastiques.

"C'est du cuir véritable ?"

« C’est du cuir véritable ? »

C’est peu dire qu’en allant voir « Les Animaux Fantastiques », je ne m’attendais pas à une merveille. Pour moi, ce film existait pour une seule et principale raison : ARRACHER ENCORE DU FRIC AUX FANS D’HARRY POTTER (j’aime bien mettre des majuscules vénères comme ça, sans prévenir). J’avais décidé malgré tout de participer consciemment à cette entreprise vampirique, tout simplement parce que ce soir là j’avais envie de me vider la tête devant un film « pop-corn », sans pour autant devoir m’abaisser jusqu’à me taper un Michael Bay (coucou Michael, tu vas bien ? Ca faisait longtemps que je t’avais pas envoyé un p’tit scud, ça m’avait manqué). Alors va pour « Les Animaux Fantastiques ». Hé ben, croyez moi ou pas mes p’tits loups mais au final, j’ai passé franchement un bon moment. Alors certes, y a pas de quoi hurler au chef d’oeuvre de divertissement, mais ça reste de très bonne facture. D’autant plus pour un truc réalisé par ce jambon de David Yates, qui s’est quand même signalé sur la saga Harry Potter par une prise de risque artistique proche du néant. Mais bon ici, ça passe bien, peut être parce que l’essentiel est ailleurs que dans la réalisation. Pourquoi ? Parce que les personnages sont assez originaux et subtils, une mode de plus en plus présente dans les gros blockbusters familiaux (coucou « Star Wars VII ») et qui fait du bien. Parce que lesdits personnages sont joués avec saveur et sensibilité par un casting d’acteurs plutôt habitués au cinéma indépendant (ça aussi, ça à tout d’une bonne idée). Et parce que JK Rowlings est au scénar’ et on a beau dire, mais la meuf n’a pas écrit la saga littéraire la plus populaire des dernières années, si ce n’est de l’histoire, par hasard. Ji Kay a un talent indéniable pour trouver de bonnes idées, rarement révolutionnaire, mais souvent trés fortes. L’obscurus en est sans doute le meilleur exemple, et peut même se targuer de lancer une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît sur le refoulement. Bref, qu’on en veuille à mes sous, soit, mais pour peu qu’on soigne assez bien le taf’ et que j’en sois conscient, je dis pourquoi pas. Rendez-vous pour le prochain film.

PS : Pour rester dans les « spins-off » de saga, certains se demanderont peut-être ce que j’ai pensé de Rogue One. Je dirai « pas mal, sans plus ». Certes, la toute dernière scène avec Dark Vador est juste ouffissime et représente probablement l’un de mes plus grands plaisirs de cinéma. Certes, le film est très beau visuellement. Mais il met aussi quarante années lumières à démarrer et on se contrefout franchement du destin de tous ces personnages auquel on arrive pas à s’attacher par manque de temps, et aussi de charisme (déso, pas déso). Le plus grand mérite de Rogue One se trouve sans doute dans l’idée très forte de montrer que dans une saga comme Star Wars, il n’y a pas eu que des héros, mais aussi des petites mains qui ont fait l’histoire. En terme de réflexion, c’est passionnant. En terme de cinéma, moins (déso, pas déso bis).

Mention « Déception » : The Revenant.

Très très NRV !

Très très NRV !

Mettons les choses au clair tout de suite : oui, « The Revenant » est un bon film. Non, je n’ai pas passé un mauvais moment. Mais ça, je m’en fout. Je ne voulais pas un bon film. Je ne voulais pas un bon moment. Je voulais passer un moment de taré mental. Je voulais un film de fou furieux. Après Birdman, avec une telle équipe à la réalisation, avec une telle ambition artistique, ce film aurait dû finir premier de mon top, à l’aise, fingereuh in the nozeuh. Mais non. Ah ça, c’est propre, c’est pas le problème. Les plans sont magnifiques. La réalisation atteint un sommet de maîtrise. La photographie est à tomber. La scène d’ouverture en plan séquence est une dinguerie. Mais derrière il n’y a rien. Rien à part Léonardo Di Caprio qui bave (j’exagère à peine). Le scénario tient sur une feuille de papier à cigarette et échoue complètement à acquérir une transcendance à la manière, par exemple, d’Apocalypse Now, autre film à ambition monstrueuse sur le voyage d’un homme dans une contrée hostile. Peut-être, parce que contrairement au film de Coppola, celui d’Inarritu n’est pas vraiment parti en couille au tournage, peut-être pour d’autres raisons, il manque clairement d’un souffle, d’un supplément d’âme. Quand à Di Caprio, il joue très bien le mec qui souffre, mais avoir donné son seul oscar à cet acteur de génie pour cette performance qui n’est clairement pas ni sa plus subtile, ni sa plus profonde, en bref, certainement pas sa plus aboutie, c’est un peu du foutage de gueule. A mon sens, et Léonardo nous l’a prouvé dans de nombreux autres films, le jeu d’acteur c’est un peu plus que de la frénésie, de la souffrance, de la bave et des yeux hallucinés. Mais bon, l’Académie aime par dessus tout et les gens qui perdent/gagnent du poid, et les gros masochistes, alors Di Caprio qui tourne vraiment à poil dans la neige, ça leur a paru super cool. Grand bien leur en fasse. Moi, en attendant je me suis retrouvé à regarder une version longue des « Malheurs de Léo », dans une surenchère devenant presque gratuitement sadique, car justifié par du vent, mais avec de zoulis images. C’est déjà ça, mais avec une telle promesse, j’attendais plus. Bien plus.

Mention « Franchement, presque » : Les Huit Salopards.

"Not a warning, not a question... a bullet" (extrait de la meilleure punchline du film dans un film qui en compte tout de même quelques-unes).

« Not a warning, not a question… a bullet » (extrait de la meilleure punchline du film dans un film qui en compte tout de même quelques-unes).

La nouvelle réalisation de ce fripon de Tarantino échoue à deux doigts de mon top 10. En faveur y avait : des scènes d’anthologies, sans doute parmi les meilleures du cinéma de Quentin, Samuel L. Jackson, Jennifer Jason Leigh, le reste du casting, des grosse punchlines comme on les aime, Samuel L. Jackson, une musique originale d’Ennio Morricone (coeur, coeur), un carnage final de voyou, Samuel L. Jackson et encore un peu de Samuel L. Jackson. Contre y avait : une morale comme toujours chez Tin-Quen ambiguë, mais cette fois de manière un peu gênante, des grosses grooooosseeees longueurs, notamment au début, et surtout un style qui a l’air d’avoir perdu de sa magie, comme si on connaissait déjà la recette, comme si cela n’arrivait plus à nous surprendre, comme si certaines choses viraient au gratuit, au plaisir personnel, comme si Tarantino faisant du Tarantino, ça ne suffisait plus, à l’image de ces musiques qu’on a écouté en boucle parce qu’on les adorait mais qui du coup sont devenu un peu lassante. Ca faisait un peu trop pour intégrer le top. « Les Huits Salopards » n’en reste pas moins un film de vraiment bonne facture et on fait confiance à Tarantino pour moins se reposer sur ses lauriers et faire repartir la magie dans son prochain projet.

Mention « Mystère du spectateur » : Spotlight.

"-Et si on parlait plutôt de ce chat qui fait de l'accordéon ? -... -Roooh, ça va, c'était une blague".

« -Et si on parlait plutôt de ce chat qui fait de l’accordéon ?
-…
-Roooh, ça va, c’était une blague ».

« Spotlight » est un trés bon film. La réalisation y est d’une sobriété bienvenue. Les acteurs sont excellents. Mais son plus grand mérite est le suivant : raconter un métier (le journalisme d’investigation) en cédant le moins possible à la théâtralisation et à l’idéalisation, chose fort appréciable au cinéma. Dans « Spotlight » les reporters ne sont pas des ersatz de Tintin sauce Médiapart, ce sont des hommes et des femmes besogneux, dont l’enquête comporte également de longs moments de recherche peu séduisants, des doutes, des pauses, des moments difficiles… Le film frappe juste à de nombreuses reprises : quand il évoque la complexité de mener un dossier en profondeur et sur le long terme à l’époque de l’instantanée et du buzz, quand il montre cet instant où le journaliste prend tout un coup conscience que l’enquête qu’il mène concerne aussi son quotidien… « Spotlight » sait prendre son temps, jusqu’à ce générique coup de poing listant la somme incroyable d’affaires semblables dans le monde. Bref, cet « Les Hommes du Président » 2.0 (en allusion au classique sur l’affaire du Watergate) a peu de défauts, et rétrospectivement, on ne peut que trouver bienvenu la décision des Oscars d’honorer sa profondeur au dépend du tape à l’oeil gratuit de The Revenant (profitez, c’est pas tout les jours que je défend les Oscars). Alors quoi, pourquoi Spotlight n’est pas présent dans mon top 10 ? Hé bien, c’est ce qu’on appelle un « mystère du spectateur ». Ici il consiste en ceci : comment un film qui avait tout pour me plaire et dont je reconnais les indéniables qualités a pu me laisser aussi « froid » ? Contexte de visionnage ? Manque de transcendance ? Subjectivité subtile des goûts ? Tout cela à la fois ? Qui sait, en tout cas, tout cela nous prouve, s’il le fallait, à quel point être spectateur, c’est souvent une expérience plus complexe qu’il n’y paraît. Je laisse donc « Spotlight » à ceux qui auront su l’apprécier, avec toute mon approbation.

Mention « Quand on connaît déjà la musique » : Juste la fin du monde.

Crépuscule.

Crépuscule.

Je pense honnêtement que si j’étais allé voir ce nouveau Dolan sans connaître la pièce sublime de Jean-Luc Lagarce, dont il est tiré, « Juste la fin du monde » serait entré sans peine dans mon top 10. Seulement voilà, malgré toute la bonne volonté de l’ami Xavier, il aura échoué à me faire redécouvrir ce texte. Peut-être en était-il trop respectueux, incapable d’assumer cette part de risque (voire même ce côté iconoclaste) que comporte à mon sens toute adaptation réellement ambitieuse. Pourtant il y avait du potentiel, notamment dans le casting : Vincent Cassel est excellent à contre-emploi. Nathalie Baye est immense, Gaspard Ulliel a l’air fait pour son rôle et Marion Cotillard, si injustement décrié par une partie du public français, livre à nouveau une performance sensible, touchante. Reste Léa Seydoux, qui fait du mieux qu’elle peut, mais forcément, à côté de tels comédiens, ça ne fait que renforcer l’impression gênante qu’elle n’en serait pas là si elle s’appelait Martin. Alors, certes, j’ai passé un bon moment, mais il manquait une chose souvent essentielle à mon goût du cinéma : la surprise. Reste deux scènes indéniablement touchées par la grâce : le dialogue entre la mère et le fils, à l’écart, et le pétage de plomb d’Antoine à la fin du film, dans cette lumière incandescente de fin de journée. Dommage de terminer un moment aussi fort par une métaphore finale à mon avis bien peu subtile.

See you soon pour le top 10 !

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[TOP 10] Mes dix films préférés de 2015 (5-1) /dix-films-preferes-2015-5-1/ /dix-films-preferes-2015-5-1/#comments Wed, 31 Aug 2016 14:38:23 +0000 licontinovich /?p=611 Continue Reading ]]> Deuxième et dernière partie du classement.

5-   Le Tout Nouveau Testament.

En Belgique, il était une fois.

"Flower Power"

« Flower Power »

« Dieu existe, il habite à Bruxelles ». Avec un slogan aussi génial, il était impossible que je ne m’intéresse pas à ce « Tout Nouveau Testament ». J’avais déjà eu l’occasion, il y a quelques années, de découvrir le cinéma de Jaco Van Dormael avec cette folie qu’était « Mr Nobody », film si désarmant que je ne peux toujours pas affirmer avec certitude si je l’ai réellement aimé. Toujours est-il qu’au-delà du ressenti final, il valait certainement le détour et à ce titre, j’avais bien envie d’un nouveau regard sur ce cinéma à nul autre pareil.

Et s’il m’est toujours difficile d’exprimer mes sentiments à propos de « Mr Nobody »  (ce qui n’est d’ailleurs pas anodin !), il est certain que j’ai adoré « Le Tout Nouveau Testament ». Preuve en fut mon fou-rire au générique de fin, provoqué par l’accumulation de tout ce que je venais de voir.

Car « Le Tout Nouveau Testament » est un film dingue, dans beaucoup de sens du terme. Qu’on n’en juge par le synopsis : Dieu, qui habite donc dans la capitale de la Belgique, est un type méchant. Sa fille (oui, parce que Dieu a aussi une fille), fugue, non sans avoir piraté le système informatique de son père afin de révéler à tout le monde la date de sa mort, occasionnant un joyeux bordel à travers le monde entier. C’est le point de départ du film et il faut bien reconnaître que dans le genre scénario décalé, on a ici du très lourd.

Sans complexe, « Le Tout Nouveau Testament », vous embarque dans son univers si singulier avec le plus grand des naturels. Les sujets métaphysiques, la poésie, voilà les deux principaux piliers du style « Van Dormael », qui a l’intelligence de l’assumer jusqu’au bout. Car, si on ne sentait qu’une poussière d’excuse rien ne fonctionnerait et l’ensemble s’écroulerait comme un château de cartes. Mais ce cinéaste ne doute de rien et là est sa plus grande force.

Pour autant, par rapport à « Mr Nobody », « Le Tout Nouveau Testament » apporte quelque chose qui fait la différence : un sens bienvenu de la dérision et de l’autodérision. Là où son film précédent parait rester très « premier degré », celui-ci donne toute sa part à l’humour. Le mariage avec le métaphysico-poétique fonctionne incroyablement bien, le rire donnant toute sa saveur à l’ensemble. Un peu comme une épice dans un plat élaboré.

Bien sûr, il est difficile de tout apprécier dans « Le Tout Nouveau Testament ». Le film est si singulier, si foisonnant, que le spectateur aura parfois du mal à s’y retrouver. Mais le cinéma de Van Dormael semble ainsi fait, et on en serait presque à penser que le réalisateur se plaît parfois à perdre son public.

Osé, iconoclaste, délirant, tour à tour trivial et profond, parfois les deux à fois, un moment marrant, un autre lyrique, et de temps en temps les deux en même temps, « Le Tout Nouveau Testament », avec son casting au diapason de l’esprit du film, est un extraordinaire cadeau pour les amateurs de cinéma différent. Car quiconque attend un film qui se démarque sera servi. Il ne plaît pas à tout le monde, mais c’est aussi, parfois, un trait caractéristique de certains films notables.

4-  Whiplash.

I jazzed in my pants.

"Et si tu échoues, tu me fais l'intégrale de Patrick Sébastien à la batterie, et tu te débrouilles pour adapter !"

« Et si tu échoues, tu me fais l’intégrale de Patrick Sébastien à la batterie, et tu te débrouilles pour adapter ! »

 

Alors oui, « Whiplash » est sorti en 2014. Le 24 décembre, plus précisément. En voilà un joli cadeau de Noël cinématographique. Pourquoi alors, le retrouver dans cette sélection ? Parce que je ne l’ai vu qu’en 2015, parce que je n’ai pas pu l’inclure dans mon classement 2014 et parce que c’est mon blog cinéma et que j’y fais ce que je veux. Na !

Ceci étant dit, parlons du film. « Whiplash » est une décharge électrique. Le film est tellement bourré d’énergie qu’on en sort survolté, alors même que l’histoire en elle-même n’est pas particulièrement faite pour revigorer. Cela tient plutôt à l’ambiance générale du film, bourré de tension et de décibels, de bruit et de fureur. La bande-son, avec son jazz endiablé et ses solos de batteries déments, y joue évidemment un grand rôle.

« Whiplash » c’est l’histoire d’Andrew, jeune batteur passionné, qui, à son entrée dans une des meilleures écoles de musiques du pays, parvient à intégrer l’orchestre de l’exigeant (c’est un magnifique euphémisme) Terence Fletcher. Une histoire pour le moins tumultueuse (nouveau superbe euphémisme) commence entre le professeur et son élève. Car Fletcher est un immense partisan de ce qu’on peut appeler « la pédagogie de l’électrochoc ». En gros, pousser les gens à se dépasser par tous les moyens possibles, hurlements, insultes, voire violence physique. Un bon copain, quoi.

Avant d’aller voir le film, en regardant l’excellente bande-annonce, j’étais pris d’un certain doute. Ce sujet parvenait-il à tenir la distance d’un long-métrage sans tourner en rond, ni fatiguer son public ? La réponse, à mon sens, est oui. Oui, oui, oui et encore oui. De scène d’anthologies en scène d’anthologie (mention pour la scène « not quite my tempo »), le film parvient plus qu’aisément à développer son histoire jusqu’à un extraordinaire final, mené de main de maître.

« Whiplash », et c’est logique de par son scénario, est d’abord porté par un duo d’acteurs hallucinant. J.K Simmons, Oscar archi-mérité du meilleur acteur dans un 2nd rôle, est époustouflant dans le rôle du professeur. Il serait injuste de résumer sa performance à ses seules (impressionnantes) crises de colère, tant la palette d’acteur ici mise à l’œuvre est bien plus variée qu’en apparence. Par des regards, des attitudes… Simmons donne toute sa complexité à Fletcher, parvenant à le sortir de la caricature. En face de lui, on trouve le jeune Miles Teller, dont le jeu plus réservé ne doit pas être un prétexte pour oublier une partition elle aussi mémorable.

Résultat, bien plus qu’un simple film pour amateur de musique (même si ces derniers se régaleront vraisemblablement), « Whiplash » est avant tout la mise en scène d’un duo parmi les plus mémorables de ceux qui m’ont été donné de voir au cinéma. La relation « amour / haine » entre Andrew et Fletcher est fascinante, notamment parce qu’elle en dit aussi beaucoup sur la passion, sur le succès, sur les rapports entre talent et travail et sur les relations « mentor / élève ». Sans prendre de gants, sans tomber dans la facilité, sans avoir le manque de tact d’offrir des réponses toute crues à son public, « Whiplash » raconte une histoire qui peut laisser songeuse à bien des égards.

3-  Mad Max : Fury Road.

On the road again.

"C'est toi qui conduis, c'est moi qui klaxonne ?"

« C’est toi qui conduis, c’est moi qui klaxonne ? »

La sensation provoqué par « Mad Max : Fury Road » est comparable à celle procurée par une montagne russe. Depuis la première minute, jusqu’à la dernière, on est comme embarqué sur un manège à pleine vitesse, dont on sort lessivé et heureux d’avoir ressenti autant d’adrénaline. Si vous n’avez pas le temps, ou l’argent, ou l’envie d’aller à Disneyland Paris (ou les trois), vous pouvez aussi vous payer un petit « Mad Max : Fury Road ». A condition d’offrir au film des conditions optimales de visionnage. Grand écran et excellent système sonore sont plus que recommandés.

« Mad Max : Fury Road » du réalisateur George Miller, le même qui a réalisé « Babe 2 : le cochon dans la ville » et « Happy Feet » (ça ne s’invente pas) est au cinéma « pop-corn » ce que le Mont Ventoux est au Tour de France, un sommet parmi d’autres, certes, mais un des plus notables. Etant capable d’apprécier tout autant, même si d’une manière différente, un cinéma contemplatif d’art et d’essai ou un blockbuster efficace, je me suis régalé devant ce film fou-furieux et explosif. Si on accepte de s’y immerger franchement et sans réticences, l’expérience délivrée devient incroyable.

Comment un film autant estampillé « action et explosion » a-t-il pu susciter autant d’adhésion, quand la majorité des films du genre ne récolte qu’un mépris à mon sens plus ou mérité selon les productions ? Premièrement, c’est parce que « Fury Road », ne triche pas avec son public. Il lui donne ce qu’il attend, une course folle, rien de plus, rien de moins. Et il le fait merveilleusement bien. C’est le deuxième point en faveur du film, son efficacité redoutable. Troisièmement, le rythme. Véritable rouleau-compresseur, ce « Mad Max » entraîne celui qui le visionne dans un récit quasiment sans temps morts, où les rares pauses ne sont que de salutaires calmes avant la tempête. Enfin, la musique. On ne parle sans doute pas assez de toute la place immense qu’occupe une bande-son dans un film. « Mad Max : Fury Road » en est un exemple particulièrement frappant. Aussi furieuse que l’histoire, la musique de Junkie XL (rien que ça) est pour beaucoup dans l’expérience du spectateur. Là sont peut-être les quatre points principaux qui font toute la force du film de Miller.

« Fury Road » vient avec fracas apporter sa contribution à une question qui me passionne : comment apprécier les blockbusters ? Trop complexe pour être abordée en détail ici, je n’y répondrai que d’une manière succincte : selon moi, tout dépend de comment on les regarde. L’école du spectateur, c’est important. La lucidité n’empêchant pas d’avoir envie de se faire plaisir, mais pas n’importe comment.

Et au risque de provoquer le débat, j’ajouterai que « Fury Road » est à mon sens l’illustration qu’une grosse production, même dans ce genre-là, peut être un film d’auteur. Car ce « Mad Max » est plus imaginatif et intelligent qu’il n’y paraît. Si le film de Miller ne respire pas l’originalité dans l’ensemble, il fourmille de détails et si son scénario est simple, son discours plutôt écologique et féministe, ne me paraît pas si bête.

Alors, prêts pour une petite montagne russe ?

2-  Kingsman : Services secrets.

Vodka pure. Pas de shaker, pas de cuillère.

"Posey, dans mon fauteuil rembourrey".

« Posey, dans mon fauteuil rembourrey ».

Comment un tel film peut-il être aussi mal vendu par sa bande-annonce ? A voir les trailers de « Kingsman » on a l’impression qu’on nous promet un enième ersatz de James Bond, avec juste des gros ralentis à la Matrix pour saupoudrer le tout. Et bien, non, qu’on se le dise une bonne fois pour toute, « Kingsman » ce n’est rien de tout ça. Ça commence par un rif’ de rock, et ça se termine par les fesses d’une princesse danoise (oui, oui), avec entre les deux du pur plaisir de cinéphile voyou.

« Kingsman » c’est un film de sale gosse bien éduqué. Un « chamboule tout » qui provoque une jouissance immense. « Kingsman » c’est à la fois une déclaration d’amour à James Bond et une gigantesque entreprise de désacralisation des codes « 007 ». « Kingsman » c’est en même temps une classe immense et un état d’esprit complétement barré. Une politesse mariée avec un doigt d’honneur. Le punk réconcilié avec le costard. « Kingsman » c’est « so british » et c’est « so good ». Rarement, dans mes sorties ciné avec les potos du bled, j’ai vu un film où tout le monde avait autant la banane au générique de fin. Quel pied, putain !

Et pourtant, passé une excellente introduction parfumée d’un petit Dire Straits des familles, le film prit son temps avant de me convaincre. A part une scène d’action dans un bar merveilleusement bien mené, tout cela restait encore assez sage. Et puis vint le déclic, à partir d’un dîner chic à base de fast-food. Passé ce moment, le film décolle définitivement, pour le plus grand plaisir du spectateur. Les scènes cultes s’enchaînent, depuis le carnage dans une église extrémisme jusqu’aux trépidantes minutes finales. Plus aucun temps mort, que du bon.

Matthew Vaughn, le réalisateur du controversé « Kick-Ass » et du meilleur X-Men, « First Class », met dans ce film tout son talent de metteur en scène avec un enthousiasme communicatif. La réalisation est hallucinante de maitrise, notamment dans les scènes de combats rapprochés. A cette virtuosité et à cet état esprit, vient se rajouter en magnifique cerise sur le gâteau, une bande-son choisit avec soin, tour à tour extraordinairement adapté ou merveilleusement décalé (mention pour ce son disco à la fin du film). On mélange le tout, et voilà un cocktail savoureux au possible.

Une suite est prévue pour 2017, que j’hésite à attendre avec impatience au méfiance. D’un côté, je resigne pour un film pareil avec plaisir, de l’autre j’ai peur que l’état d’esprit ne se dilue dans une franchise. En tout cas, Matthew Vaughn reste aux commandes. On verra donc bien.

Pour finir, parce qu’un peu d’auto-promotion de temps en temps, ça ne fait pas de mal, je vous invite si le cœur vous en dit, à lire un autre article que j’ai écrit sur ce blog il y a quelque mois. Il concerne un type de films dont à mon sens, « Kingsman » est un excellent représentant, à côté de Tarantino ou d’« Hot Fuzz », j’ai nommé le cinéma « pop-geek ». Pour le lire, c’est ici.

1-  Birdman

C’est un avion, c’est un oiseau, c’est Julien Lepers ?

 

"Je suis, je suis, je suis..."

« Je suis, je suis, je suis… »

 

Le voilà donc mon favori et ce n’est pas peu dire, tant les films que j’ai mis dans ce classement m’ont plu. Mais voilà, aucun n’a pu détrôner « Birdman », que j’ai pourtant eu la chance de voir très tôt dans l’année. Le plaisir que j’ai eu devant ce film fut l’un des plus grands que j’ai pu avoir sur un siège de cinéma. Oui, carrément. La liste de ce qui m’a plu dans « Birdman » est longue. Si on regarde l’histoire, ça n’a rien d’étonnant. Non seulement « Birdman » parle du cinéma, mais en plus il est aussi question de théâtre. Mes deux grandes passions réunies dans un film aussi malin, je ne pouvais être qu’aux anges.

Car « Birdman » aborde ces deux arts magnifiques, leurs singularités, leur rapport, leurs forces, leurs faiblesses, de manière remarquable. Avec une acuité certaine, le film parvient à offrir un discours d’une grande subtilité sur l’art, mais aussi sur la critique (ah, quel délice, cette scène dans le bar pour qui, comme moi, abhorre la caste des critiques établis…). Il y est aussi question des acteurs. Va-et-vient du succès, passage du comédien de théâtre à l’acteur de cinéma, envie d’être pris au sérieux… les thèmes abordés sont passionnants. Ni dogmatique, ni méprisant, « Birdman » est tout à la fois une belle déclaration d’amour et une mise-en-scène critique de tout ce qu’il aborde, depuis le rôle de l’interprète jusqu’aux différents types de cinéma, en passant par les scènes de théâtre.

Toutes ses problématiques, « Birdman » a l’intelligence de les enrober d’un sens de l’humour exceptionnel, bien que souvent dissimulé. Le rire masqué, parlons-en. C’est aussi une des grandes qualités de ce film. Bien moins sérieux qu’en apparence, « Birdman » est tour à tour une géniale parodie et une délicieuse auto-parodie, selon les moments. Cela concerne aussi bien (entre autres) les acteurs qui s’amusent à se singer que le monde artistique, dépeint avec une lucidité ironique et subtile. Les dialogues, génialissimes, sont pour beaucoup dans cette réussite, aussi bien côté sérieux que côté rire.

Au sommet d’un casting absolument fabuleux, sans aucune exception, on trouve Michael Keaton, auteur d’une performance hallucinante, d’autant plus forte qu’elle évoque sa propre carrière, sa propre situation personnelle. Fait pour ce film autant que « Birdman » était fait pour lui, le sosie de Julien Lepers livre une composition magistrale, qui a de plus la force d’aller au-delà d’une simple performance d’acteur. Car ce dont il est question ici, c’est aussi de « mise en abime », d’une mise en scène qui cherche à brouiller les pistes entre fiction et réel. Le rôle de Riggan Thomson est donc un rôle notable, à plus d’un titre, et qui passionnera notamment tout acteur ou apprenti acteur, mais pas que. C’est pourquoi, à mon sens, un Oscar du meilleur acteur aurait été bienvenu. Sans dénigrer l’excellente performance d’Eddie Redmayne en Stephen Hawking dans « Une merveilleuse histoire du temps » (le film étant, je trouve, moins notable que sa composition en elle-même), elle me paraissait paradoxalement moins « complexe à jouer » que celle de Keaton. Ce qui n’est jamais que mon avis.

Reste à tirer son chapeau à la réalisation d’Inarritu qui, par l’illusion de ce plan-séquence permanent, saupoudre fort à propos de vertige et d’étrange son histoire. De quoi achever de placer le mexicain dans la catégorie des grand cadors du cinéma actuel. Après des débuts de carrière discret mais très bons (je conseille fortement « Amours Chiennes », son premier film), « Birdman » fut la révélation de ce cinéaste de génie. Si « The Revenant » m’aura moins convaincu malgré ses qualités techniques époustouflantes ne rattrapant pas assez un scénario à mon avis trop faible, il n’en reste pas moins que le film ayant enfin permis à DiCaprio de gagner son Oscar fut une confirmation du talent immense d’Inarritu. Dont je surveillerai dorénavant avec attention les prochaines productions.

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[TOP 10] Mes dix films préférés de 2015 (10-6) /dix-films-preferes-2015-10-6/ /dix-films-preferes-2015-10-6/#comments Mon, 29 Aug 2016 15:30:08 +0000 licontinovich /?p=600 Continue Reading ]]> Tout est dans le titre, ma gueule.

 10-  Star Wars : le Réveil de la Force.

Le Rey-veil de la Force.

I'm a poor lonesome cow-girl...

« I’m a poor lonesome cow-girl… »

«  Le Réveil de la Force » est sans doute le meilleur 7ème épisode de Star Wars qu’on était en droit d’espérer. En effet, il est certain que ce film est un immense « fan service », mais comment pouvait-il en être autrement ? Faire autre chose aurait été un démentiel pari et la bande à Jean-Jacques Abrams n’avait pas d’envie autodestructrice particulière. Alors soit, va pour le « fan service ». Quand il est aussi soigné, je ne peux qu’apprécier. Certes, la base du scénario est une copie quasiment conforme de l’Episode IV, mais c’est uniquement valable pour la base. Ne serait-ce que par ses détails (un clin d’œil, un décor, un dialogue….) et par un inattendu et merveilleux sens de l’humour, le film sait faire la différence.

Les nouveaux personnages ? Tous très bien écrits depuis le trop mignon BB8 jusqu’au très attachant Finn, en passant par le jeune loup du Premier Ordre, le général Hux et le beaucoup trop classe Poe Dameron. Oui, même Kylo Ren, ne vous en déplaise ! A mon sens, ce personnage si controversé est d’une complexité bienvenue et apporte un peu de nouveauté au sein d’une galerie de vilains cinématographique qui (j’en sais quelque chose) a parfois tendance à bégayer quelque peu.

Et nom d’un chien, une héroïne qui dézingue tous les clichés de genre du cinoche, qu’est-ce que ça fait du bien, putain ! Rey, sache que tu as fait une entrée fracassante sur le podium de mes personnages féminins préférés. Ça leur apprendra, aux abrutis phallocentrés, y compris ceux du marketing de Disney qui t’ont grossièrement oublié de la campagne de jouets. Que vous le vouliez ou non, c’est aussi grâce à des personnages comme celui-là qu’on fait avancer la condition féminine, ne serait-ce que parce que dans les cours de récré, les filles (et les garçons !) pourront avoir comme modèle une héroïne qui envoie de l’entrecôte.

Bon le neuf, d’accord, mais quid des anciens ? Et bien, ils sont excellent aussi, parce que le film a su avoir le nécessaire courage d’assumer leur vieillesse. Mention spéciale à la très émouvante Carrie Fisher, n’en déplaise aux imbéciles qui n’ont su que critiquer son physique dans un concours de bassesse méprisable. La relation Han Solo/Leia Organa est ici plus touchante que dans n’importe quel autre Star Wars, parce qu’elle est fragile et offre l’image d’un couple réaliste, au-delà du conte de fées. Harrison Ford respire toujours la classe et que dire de Luke, qui n’a sans doute jamais été aussi charismatique que dans les quelques secondes de cette scène finale….

Bref, il est jouissif de regarder un film où on sent que toute l’équipe a eu vraiment à cœur d’offrir quelque chose d’agréable à son public. Tout cela finit par rendre l’ensemble si sympathique qu’on en vient à facilement pardonner au film ses quelques faiblesses, comme par exemple la carte menant à Luke, l’un des plus bancal « MacGuffin » (un objet uniquement prétexte au déroulement du scénario) de l’histoire du cinéma.

Cependant, au final, Star Wars 7, ses failles et ses points forts, seront avant tout jugés à l’aune des épisodes 8 et 9. Aura-t-il lancé une superbe trilogie ou ne sera-t-il qu’une belle promesse ? Comme le disait joliment le fils de ma marraine : « Ce film, c’est comme le ‘du’ dans la phrase ‘je veux du fromage’ ». Une transition, en somme. Où il était nécessaire de reposer les bases. En espérant que le 8 sache apporter en originalité, en étant autre chose qu’un grossier plagiat du V (avec un petit « je suis ton frère »). D’un côté je redoute ce prochain film. De l’autre je l’attends avec l’impatience d’un gosse. Wait and see.

9-   The Lobster.

Homard m’a tuer.

"J'hésite toujours entre le papillon et le dos-crawlé..."

« J’hésite toujours entre le papillon et le dos-crawlé… »

OFNI. Objet Filmé Non Identifié. Cette catégorie de films regroupe ces productions qui ne ressemblent à aucunes autres et dont vous sortez en vous disant : « what the fuck did I just see ? ». Les OFNI peuvent être désarmants, savoureux ou les deux à la fois, mais il est rare qu’ils laissent indifférents. « The Lobster » est un très bel OFNI. Ce film développe son style si particulier en l’assumant jusqu’au bout, sans complexe. Il vous entraîne dans un monde étrange avec un rythme calme et lent, puis il vous dit : « voilà, c’est fini ». En plein milieu d’un doute, évidemment. Si « Inception » avait le monopole de la fin ouverte, ça se saurait. Et vous restez dans la salle de cinéma, un sourcil relevé et un mince sourire aux lèvres. « What the fuck did I just see ? »

Dans « The Lobster », il est question d’amour et d’homards. On doit trouver l’amour, sinon on est transformé en animaux. Et c’est facile de se marier : il suffit de justifier d’au moins un truc en commun avec le partenaire. Si se marier était aussi anodin, ça se saurait, non ? Bref. Malgré tout, certains échouent et en sont réduits à espérer un animal noble pour leur nouvelle vie. Seulement, parfois pas de bol, on tombe sur la palourde. C’est couillon.

Le film développe une contre-utopie du sentiment amoureux avec une finesse ironique appréciable. Ce sentiment dont on fait des pages et des pages, des chansons et des chansons, des films et des films….j’ai nommé l’amour, « The Lobster » le fait descendre de son piédestal pour le mettre en scène dans un univers dysoptique où il a perdu toute sa flamme, mais pas pour autant toute sa beauté. L’amour, semble nous dire, « The Lobster », c’est un peu plus compliqué qu’une chanson cul-cul la praline et, sans lui enlever sa force, on en fait parfois beaucoup trop à son sujet. C’est assez iconoclaste, comme discours, mais c’est sacrément intéressant.

L’histoire, d’une intelligence certaine, se développe en chapitre, avec à chaque fois une particularité, tout en gardant une bonne cohérence d’ensemble. Elle est bien servie, il faut dire, par deux choses. Premièrement, une lumière automnale impeccable, qui donne à tout ce triste foutoir une couleur particulièrement adapté. Deuxièmement, un humour pince-sans-rire du meilleur effet, qui donne à la grande absurdité du film tout son piquant et sa saveur. Reste à signaler un casting impeccable, emmené par un Colin Farell dont les yeux de chiens battus semblaient fait pour ce rôle. Et oui, même Léa Seydoux se débrouille pas trop mal dans son personnage insupportable, ce qui aide bien. Comment ça, je suis méchant ?

En tout cas, après « The Lobster », vous risquez fort de ne plus voir les homards de la même façon. Ce qui est déjà notable.

8-   Marguerite.

Laissez-moi chanter, chanter en liberté.

« Ah, je ris, de me voir si belle, en ce miroir ! »

C’est un beau film, que ce « Marguerite ». Un film touchant, humain. A la fois triste et joli. C’est un beau film sur les rêves, sur la passion, sur l’amour, sur les défauts. C’est un film qui a le bon ton de ne se complaire ni dans l’apitoiement, ni dans la caricature. Il prend à bras les corps la complexité des sentiments humains et s’en sort plutôt bien. J’en suis ressorti songeur, les yeux dans le vague. C’est plutôt bon signe.

Marguerite adore chanter. Problème : elle chante horriblement mal. Ou plutôt, elle chante magnifiquement mal, et elle n’en sait rien, car comme Madame est une grande bourgeoise qui n’est avare ni en fêtes, ni en dons, il ne se trouve personne pour lui avouer la vérité. Une histoire lointainement inspirée de la véritable vie de Florence Foster Jenkins (hop, un petit lien Wikipédia ici).

On y trouve Catherine Frot, qui a le bon goût de nous rappeler de temps en temps à quel point c’est une actrice délicieuse. Elle incarne avec une grande justesse cette Marguerite cette femme victime de l’ennui, de l’hypocrisie. Elle aime tant chanter, même si elle le fait si mal, sans s’en rendre compte. Sans s’en rendre compte, vraiment ? Et si l’essentiel était ailleurs ? Comme elle le dit si bien, dans la scène la plus touchante du film, c’était chanter ou devenir « folle ». Une peinture délicate et complexe du rapport de chacun à sa passion. Ou pointe aussi la place des femmes dans la société bourgeoise de l’époque.

Une époque d’ailleurs particulièrement bien reconstruite, entre dadaïsme et salons bourgeois et dans laquelle le casting se fond à merveille. C’est particulièrement vrai pour le comédien Sylvain Dieuaide, remarquable en jeune journaliste qui finit par prendre en affection Marguerite. Mention aussi à Denis Mpumba pour son étrange Madelbos, à Aubert Fenoy pour son décalé Kyrill Von Priest ou à André Marcon, très bon dans un rôle pourtant difficile : celui du mari.

Cependant, celui qui trône en majesté de ce casting exquis, n’est autre que Michel Fau, immense dans le rôle du ténor en déclin devenu mentor par besoin d’argent. Comment a-t-on pu ne pas lui donner le César du meilleur acteur dans un second rôle ? Sa performance, tout bonnement extraordinaire, trouve son sommet au moment où il écoute pour la première fois Marguerite chanter. Son corps ne fait rien. Son visage ne fait rien. Seuls ses yeux parlent. Cela dure une dizaine de secondes et c’est une véritable leçon de jeu.

7-   Vice-Versa

Pix’art. 

Quand tu hésites pour ta boule au bowling...

Quand tu hésites pour ta boule au bowling…

Ils sont forts, chez Pixar, quand même. Quatre années d’affilé, 2007, 2008, 2009,2010, les mecs parviennent à envoyer du très lourd avec la régularité d’un métronome. Ça commence avec les très sympathiques « Ratatouille » et « Wall-E », ça se termine avec deux chefs d’œuvres, le sublime « Là-Haut » et l’excellent « Toy Story 3 ». Puis les gars, peut-être pour ne pas trop tuer le game, se calment un peu. Pendant trois ans, ils produisent du moins notable, le temps pour le critique moyen de se demander : « terminado la magie ? » Nullement. Les « Pixar Boys » ont plus d’un tour dans leur sac. Ils se posent deux ans pour préparer la prochaine merveille et calment une nouvelle fois tout le monde. Au calme.

Non, « Vice-Versa » n’est pas, à mon sens, le « meilleur Pixar ». Dans mon cœur, ce titre reste occupé par l’immense « Là-Haut ». Ça n’empêche pas que « VV » (pour les intimes) fait partie des tous meilleurs et tape probablement podium. Avec sa singularité mais aussi grâce à une recette qui a fait ses preuves depuis le premier « Toy Story » : des bons sentiments sans niaiserie et un mariage impressionnant d’aisance entre volonté « grand-public », exigence artistique immense et finesse du scénario. « Vice-Versa », comme les meilleurs Pixars, a deux principales qualités. Primo, ses personnages sont incroyablement touchants. Secundo, il est beaucoup plus intelligent qu’il n’en a l’air de prime abord.

Mais là où « VV » se démarque des autres productions du studio, c’est par son audace. Car  l’idée de départ est aussi bonne que périlleuse. Représenter l’esprit des gens à travers différents personnages, c’est un excellent point de départ… pour un court-métrage et cela a d’ailleurs donné matière à de savoureuses bande-annonce. Mais faire tenir cette idée sur une heure et demie sans qu’elle s’essouffle ? Plus compliqué. « Vice-Versa » y arrive pourtant, et sans temps morts.

Bien sûr, tout le film n’est pas un monument de créativité, mais Pixar a toujours préféré la poésie simple au foisonnement. Bien sûr, l’esprit humain est plus complexe que les relations entre cinq émotions, mais personne parmi les auteurs n’affirme le contraire. Il s’agit simplement d’une parabole agréable derrière laquelle se cachent des thèmes traités avec plus de finesse qu’il n’y paraît : le déracinement, la famille… ou encore la fin de l’innocence absolue. Ce sujet, abordé à travers le meilleur personnage du film, l’ami imaginaire, risque fort de vous arracher des pleurs dans une des scènes les plus tristes des films Pixar. C’est là aussi une des très grandes forces de ce studio : parvenir à me faire encore pleurer à chaudes larmes.

Que vous soyez enfants ou grands enfants, « Vice-Versa » vaut donc le détour et restera vraisemblablement parmi les plus belles réussites d’une équipe dont on attend avec impatience la prochaine merveille.

6-  Les Nouveaux Sauvages.

Introduce a little anarchy.

Vive les mariés !

Vive les mariés !

Le film dit « à sketches », où se succèdent plusieurs histoires reliées par une même thématique globale, est un genre compliqué. Deux écueils principaux le menacent : une manque de cohérence de l’ensemble et surtout une quasi-inévitable inégalité entre les différentes parties. S’il n’esquive pas vraiment ce deuxième souci, c’est peu dire que « Les Nouveaux Sauvages » s’en sort remarquablement bien dans cet exercice de style périlleux.

Le film est un impitoyable « jeu de massacre » dont le fil rouge est l’ultra-violence pouvant surgir du quotidien. Réquisitoire féroce et acide, « Les Nouveaux Sauvages » essaye de présenter par le pire à quel point notre société que l’on dit civilisé peut facilement basculer dans la sauvagerie.

L’excellent sketch d’ouverture, « Pasternak », annonce bien la couleur. Il est suivi par celui qui est peut-être le plus faible du lot, « Las Ratas », avant que le film nous expédie un gros direct du droit avec le furieux « El mas fuerte ». Suivent « Bombita » et « La propuesta », le premier étant aussi savoureux que le deuxième est déprimant. Le film se termine en apothéose avec la partie du mariage, « Hasta que la muerte nos separe », véritable morceau de bravoure en forme de crescendo impitoyable.

« Les Nouveaux Sauvages » parle d’abord et avant tout de l’Argentine. C’est une gigantesque exagération de certains des problèmes les plus graves de ce pays (violence automobile, relation pour le moins délicate avec l’administration…). Si tout cela reste une caricature explosive, reste que quiconque ayant vécu dans ce pays devrait s’apercevoir à quel point le film frappe juste. Les argentins eux-mêmes, qui sont parfois d’une grande lucidité sur leur contrée, semble d’ailleurs nombreux à le reconnaître. Parlez de « Bombita » à l’un d’entre eux et régalez-vous, ça ne va pas être triste.

Pour autant, malgré son attachement à la réalité argentine, tout le monde peut apprécier « Les Nouveaux Sauvages », même quelqu’un ne connaissant absolument rien au pays des gauchos. Le film est à la fois ultra-local et universel, ne serait-ce que parce que la violence qu’il décrit est bien loin de nous être étrangère. Tour à tour plaisir coupable ultra-jouissif à l’ironie mordante, puis démoralisant au possible, « Les Nouveaux Sauvages » est une tornade, un coup de poing, qui a du mal à laisser son public indifférent. Et qui, en ce qui me concerne, s’apprécie encore mieux au deuxième visionnage.

Médaille de bronze derrière mes deux films argentins préférés : l’excellentissime « Nueve Reinas » et ce fabuleux chef d’œuvre qu’est « El Secreto de sus Ojos ». Si vous voulez vous essayer au cinéma argentin, voilà déjà trois pistes géniales pour commencer.

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