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Sound of Noise : Music for One Movie and Six Dreamers.

« Il n’y a point de génie sans un grain de folie ».

Artistote.

L’action commence ainsi. Un van blanc fonce à toute allure dans les faubourgs d’une ville nordique. Le chauffard brûle les feux rouges, affole les compteurs et fait tourner en bourrique la patrouille de police qui le poursuit. À l’intérieur du van, les deux occupants sont en pleine transe. Tandis que Sanna conduit, Magnus joue un air démentiel de batterie à l’arrière. Finalement, le véhicule se crashe contre un mur, immobilisé. Seul un métronome posé sur le tableau de bord fonctionne encore.

Alors qu’un essaim de badauds s’amasse autour de la carcasse fumante du van, les deux hurluberlus s’enfuient subrepticement au nez et à la barbe de la police criminelle, qui est en train d’inspecter le véhicule, confondant le bruit du métronome avec celui d’une bombe. Magnus et Sanna sont heureux, ils ont réussi leur morceau. Car les deux comparses ont une conception bien à eux de l’art. On comprend très vite qu’ils exècrent le conformisme artistique et qu’ils souhaitent exprimer leur génie de manière excentrique, peu importe le lieu et la manière. Cependant, Magnus et Sanna se rendent vite compte que les œuvres qu’ils exécutent ne sont pas à la hauteur des ambitions qu’ils nourrissent. Ils décident de lancer leur projet suprême : une symphonie  urbaine, en plusieurs mouvements, nommée « Music for One City and six drummers ».

Après avoir recruté quatre batteurs complètement fous, ils vont entamer le concert. Une symphonie qui les emmènera dans des endroits aussi fades qu’un hôpital, une banque ou une centrale électrique. Partout, une même obsession, égayer la morne quiétude en jouant un morceau avec les moyens du bord. C’est là que se situe tout le génie de Sound of Noise. A partir d’ustensiles du quotidien, les cinéastes parviennent à mettre en scène des musiques à la fois prenantes et originales, des rythmiques endiablées qui ne peuvent qu’ébahir les amateurs de musique. Des machines bancaires, des instruments médicaux, des fils électriques, tous ces objets sans rien d’artistique deviennent justement de surprenants instruments.  Ce concept développé dans un court-métrage intitulé « Music for One appartement and Six Drummers» , passe admirablement bien en long métrage, pour donner une petite merveille pleine de bruit et de musique.

« Haut les mains, ceci est un concert »

Réplique extraite du film.

Pas besoin d’être un mélomane accompli pour apprécier le film suédois, parce qu’en chaque «morceau», le scénario divertit, tant par ses situations rocambolesques que par son humour absurde et dévastateur. Celui-ci vous poursuit d’un bout à l’autre du film, laissant peu de temps à vos abdos pour se reposer. Comme, en plus, tout cela regorge d’une imagination fraîche et débordante, inutile de dire que l’on passe un très bon moment.

Pour les plus avides de sens, on peut même y deviner une critique de la rigidité des codes sociaux et, une nouvelle fois, du conformisme ambiant. Ledit conformisme est clairement incarné dans le film par le classicisme musical. Tandis que les six saltimbanques se délectent à faire des pieds de nez à la musique classique en venant saboter un concert à l’Opéra, le commissaire chargé de les traquer, Amadeus Warnebring, se trouve être justement le frère du célébrissime chef d’orchestre qui dirige le concert. Ironie du sort, Amadeus, né dans une famille de musiciens virtuoses, a développé un rejet épidermique de la musique en général, et voue un  culte au silence. C’est vous dire si traquer des «terroristes musicaux» ne sera pas pour lui de tout repos.

Sound of Noise , au-delà de l’ode à la musique «libre», c’est l’apologie de l’art, du vrai. Celui qui est sans règles et sans limites, qui ne se laisse enfermer par rien ni personne, qui ne s’enseigne pas mais qui se ressent. Peu importent public, critiques et autres, c’est à lui seul que les originaux mis en scène par le film rendent des comptes. On est charmé par cet hommage à l’art véritable, qui ne se reconnaît que dans les sensations, sans pour autant toujours laisser de côté la réflexion.

Délirant, drôle, irrévérencieux, toujours juste, ce véritable OFNI (Objet Filmé non identifié) parmi les OFNI, méritait sans doute beaucoup mieux que ses quelques semaines d’exploitation françaises. Sound of Noise est un «feel-good movie» comme on en voit que trop peu.  Une fois visionné, vous aurez sans nul doute les doigts qui vous démangeront d’aller frapper casseroles, verres et commodes pour créer votre propre symphonie déjantée.

Le court-métrage d’origine :

Article écrit en collaboration avec Guillaume Compain et Benjamin Huet.

Paru à l’origine dans Controverses, journal d’opinions puis sur IEP Mag.com .

licontinovich

Passionné par le ciné, tout simplement.

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