N’hésitez pas à lire les « précisions avant de commencer » présentes dans le premier article du top !
25. Memento (Christopher Nolan, 2000) :
Avant de débarquer en « drift roue arrière » sur le terrain du blockbuster, Christopher Nolan a notamment réalisé « Memento ». Un film dont le pitch suffit à rendre bouchée bée. C’est simple, au niveau de l’audace scénaristique, c’est le premier film de mon classement. Pourquoi ? Parce que c’est un film à l’envers. A l’exception de certaines scènes en noir et blanc, toutes les scènes en couleur sont montées en ordre chronologique inversé. Le personnage principal a subi un traumatisme qui l’a privé de sa mémoire à court terme. Du coup, il oublie tout ce qu’il vient de se passer au bout de quelques minutes. Ainsi, le film, co-scénarisé avec son frangin, à qui il faut aussi rendre hommage, colle au plus près de ce handicap dans sa construction. Et cela donne une masterclaque. Si un jeune scénariste expliquait cette idée pour convaincre un producteur, il y a fort à parier qu’il ne récolterait pour tout financement qu’un éclat de rire. Christopher lui, est tombé sur un doux dingue qui a dit « banco ». Et Christopher les a posé sur la table, dans le plus grand des calmes. C’est peut-être dans « Memento » que réside l’apogée de deux obsessions du réalisateur, intimement liées : la distorsion du temps et la distorsion du récit. Aussi, il s’agit définitivement d’un incontournable dans sa filmographie. Il est fastidieux et inutile d’en dire beaucoup plus notamment par rapport à l’histoire. Si vous avez vu « Memento » vous connaissez sans doute le choc. Si vous ne l’avez pas vu, il ne vous reste plus qu’à le vivre.
La scène : la fin du film, en forme de tarte dans la gueule, où on comprend tout le caractère terrible de l’histoire qu’on vient de voir et qui nous laisse en réflexion un long moment pour bien appréhender.
24. Les Lumières de la ville (Charlie Chaplin, 1931) :
Moins connu que d’autres réalisations du géant Chaplin, « Les Lumières de la ville » n’en est pas moins une splendeur. C’est un équilibre absolument impeccable entre comédie et drame. Les moments de bravoures s’enchainent. On rit, on pleure, ou peut-être les deux à la fois, on ne sait plus. C’est la vie en plus grand qui irradie de l’écran. Tout à la fois histoire d’amour formidable, comédie hilarante, film si touchant, merveille de jeu d’acteur, c’est un voyage émotionnel formidable. Il y a tout à la fois la magie du meilleur burlesque et une histoire bouleversante. Sublimation du personnage de vagabond magnifique qu’était Charlot, « Les Lumières de la ville » est le premier film sonore de Chaplin, mais sans dialogue. C’est ainsi mon film muet préféré, et de loin. Il fait partie de ces films où on sent toute la saveur d’une certaine époque, d’une beauté perdue, certes remplacée par une autre (on ne me trouvera pas dans le camp des « c’était mieux avant »), mais si particulière. Pépite de nostalgie douce, c’est tout à la fois une défense superbement désespérée d’une pantomime qu’on abandonne partout ailleurs, et une bouleversante déclaration d’adieu à celle-ci. Alors que tout le monde s’enthousiasme pour le parlant, Chaplin persiste et signe une dernière fois, de manière incroyable. Il sera ensuite temps d’accepter le changement pour de nouvelles merveilles. Laissant « Les Lumières de la ville » sur son propre sommet, aussi immense que son auteur-réalisateur, c’est-à-dire plus que gigantesque.
La scène : la fin, l’illustration la plus sublime que les moments les plus beaux peuvent se passer de paroles.
23. Le Roi et l’Oiseau (Paul Grimault, 1980) :
Enfant, alors que la plupart des autres gosses revoyaient encore et encore les classiques Disney, je faisais mon original. Oh bien sûr, vous l’avez compris en lissant ce classement, je n’ai pas du tout été insensible aux charmes des films de Walt. Mais nombre d’entre eux, pourtant de grands classiques, ont échappé à mes jeunes années (j’ai par exemple vu « Le Roi Lion » à vingt ans pour la première fois, oui, oui !). Pendant ce temps-là, j’allais chercher d’autres merveilles. Et l’une des plus belles était le dessin-animé « Le Roi et l’Oiseau », assez loin dans son style des productions américaines. En bon gamin passionné je ne me lassais pas de voir et revoir. Aujourd’hui, je m’en souviens avec tendresse, et je conseille à n’importe qui, de tout âge, de voir cette fable politique et sociale appréciable par tous. Parce qu’à l’œil, c’est tout simplement une merveille. Parce qu’il est marqué dans ses textes par la géniale folie de Jacques Prévert. Parce qu’il est d’une inventivité visuelle et scénaristique extraordinaire. Parce qu’il a inspiré rien de moins qu’Hayao Miyazaki. Et pour pleins d’autres raisons. Premier long métrage d’animation français mis en chantier, commencé en 1946, après la première sortie désavouée par ses auteurs, il a été achevé en 1980 (!), notamment pour des questions budgétaires. Face à tant d’originalité, face à tant de poésie, face à tant d’images marquantes, face à la beauté de cette histoire, on se dit que l’attente en valait plus que la peine. A voir et à revoir avec la même saveur délicate et douce qui transporte tout le film.
La scène : Les feux d’artifices ou l’atelier de poterie à l’effigie du roi m’ont beaucoup marqué, le moment où la bergère et le ramoneur s’anime ou la chanson de l’Oiseau de même, mais le moment le plus extraordinaire est à mes yeux la fin incroyable avec le géant de fer.
22. L’Etrange Noël de Monsieur Jack (Henry Selick, 1993) :
Le voilà, l’autre classique atypique de mon enfance. Quand beaucoup de gamins connaissaient par cœur les chansons Disney du « Roi Lion », moi mes chansons favorites venaient de « L’Etrange Noël de Mister Jack ». Depuis la géniale chanson d’ouverture « Bienvenue à Halloween » jusqu’à « Que Vois-Je ? », en passant par la lamentation de Jack, le kidnapping du « Perce-Oreille », la chanson d’Oogie Boogie, celle de Sally ou la complainte vers la fin, je ne me lassais pas de ces pépites composées par le génial Dany Elfman. Avant bien sûr de découvrir avec un plaisir équivalent les versions anglaises une fois grand. Mais les qualités de « L’Etrange Noël de Mister Jack », ne s’arrêtent évidemment pas à la musique. L’identité visuelle du film, délicieuse, annonce à merveille le style si particulier du réalisateur Henry Selick (et oui, Tim Burton n’est « que » l’inventeur de l’histoire), dont c’est le premier film. Quant à l’histoire de Tim, follement originale, elle est tout bonnement géniale. L’idée de base, des villes correspondant à chaque fête, est déjà excellente. Sa mise en œuvre, remplie de trouvailles et de moments grandioses, est incroyablement prenante, mais aussi très touchante. On suit avec un plaisir immense Jack dans sa quête impossible pour remplacer le Père Noël. Les personnages, notamment ceux de la ville d’Halloween sont fabuleux. A nouveau, bien qu’œuvre à priori jeunesse, « L’Etrange Noël de Mister Jack » se déguste à tout âge. Ne serait-ce que parce que tout le monde peut apprécier cette fable sur l’acceptation de qui on est. Mais en tout cas, oui, gosse, je préférai un monde gothique peuplé de monstres à des contes de fées de princes et princesses. Chacun ses goûts, et je pense que je n’étais pas seul. Team « Roi des citrouilles », les loulous. Big up à ceux qui savent.
La scène : c’était très difficile de trancher avec « Que Vois-Je ? » mais la chanson « Bienvenue à Halloween » est un must.
21. Monty Python : Le Sens de la Vie (Terry Jones, 1983) :
L’absurde, c’est le dada des Monty Pythons. Et dans tous les longs-métrages qu’ils nous ont offerts, « Le Sens de la Vie » est un sommet d’absurde. Aucune autre de leurs œuvres cinématographiques n’atteint ce sommet d’inattendue et de décalage. C’est simple, l’enchainement des moments comiques de ce film m’a tout simplement mis à terre, en bas de mon canapé, hilare. Succession de sketchs sur l’existence suivant une vie humaine, « Le Sens de la Vie » est tout simplement le plus grand tour de force réalisé par la troupe de comiques à mes yeux. Seul bémol, sans lequel il serait encore plus haut dans le classement, la saveur des gags et des situations résidant principalement sur l’absurdité totale, le film devient moins appréciable au deuxième visionnage, une fois l’effet de surprise passé. Mais ce n’est certainement pas une raison pour bouder « Le Sens de la Vie », ses chansons incroyables (notamment « Every Sperm is Sacred », délicieusement provocatrice vis-à-vis du dogme catholique concernant les naissances) et ses moments inoubliables (dont un particulièrement dégoutant). Suicide de feuille morte, mousse de saumon empoisonnée, match de rugby déloyal, dérision des défilés militaires… c’est tout bonnement délicieux. Il y a même l’attaque d’un court-métrage sur le long-métrage. Oui, l’attaque d’un court-métrage sur le long-métrage. Ces gens sont des génies. C’est incroyable, c’est génial, n’en jetez plus, bravo, merci, bonsoir.
La scène : Dans tout ce monument d’absurde, il y a un sommet encore plus absurde que les autres moments : la scène où il faut trouver le poisson dans un endroit où il y a des personnages délirants. Une dinguerie totale qui m’a rendu hilare, et le mot est faible.
20. Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone, 1968) :
Pour beaucoup, le sommet du western spaghetti, c’est « Le Bon, la Brute et le Truand ». Pour moi, c’est « Il était une fois dans l’Ouest ». Sommet du western spaghetti, et sommet du western tout court, d’ailleurs. Rarement un film aura pour moi autant transcendé un genre, depuis la formidable scène d’ouverture à la gare, tout en silences, attentes, tension et gueules, jusqu’à la tant attendu confrontation finale. Geste merveilleuse porté par un souffle permanent, habité jusqu’aux pupilles, « Il était une fois dans l’Ouest » confirme définitivement l’aspect presque mythologique des films de Leone. Tout y est formidable. L’histoire, l’une des meilleures du style, transcendant l’habituelle rengaine sur la quête de la vengeance et de la justice. Les personnages, mythiques, comme ce fameux tueur à l’harmonica. La musique, bien entendu, en symbiose comme rarement avec le film. Les décors, raconteurs de légende. Le talent des interprètes, évidemment, au premier rang desquels l’immense Claudia Cardinale, Charles Bronson, tout en charisme et en silence et surtout Henry Fonda, juste dément de talent dans ce rôle de salopard à contre-emploi. Tout à la fois conte de la bassesse de l’homme, mais aussi de sa rédemption, et mise en scène éclatante de paysages, « Il était une fois dans l’Ouest » confirme qu’avant d’être un faiseur de western, Sergio Leone est un immense cinéaste. Plus qu’une pépite d’un genre, il s’agit là d’une œuvre splendide dotée d’une force incroyable.
La scène : le terrible flashback où l’on comprend les motivations de Harmonica.
19. La La Land (Damien Chazelle, 2016) :
A chacun sa comédie musicale culte. Les puristes diront « Chantons sous la pluie » ou « West side story », les délurés « Rocky Horror Picture Show » ou « Blues Brother », les romantiques « Grease » ou « Moulin Rouge ! », les nostalgiques « Les Demoiselles de Rochefort » ou « Hair ». Pour moi, c’est « La La Land ». Voir ce film fut comme entrer dans un tourbillon. J’en sorti hébété, puis en larmes. La puissance cinématographique qui en émane est fabuleuse. Merveille visuelle, aux images composées comme des tableaux, aux chorégraphies magnifiques, « La La Land » est une grande œuvre de cinéma. N’en déplaise aux ronchons, sans doute (légitimement) énervés par le tintouin autour de sa sortie (proclamer « le meilleur film de l’année » alors que nous étions en Janvier, c’est pas très malin) l’ont boudé. L’histoire, bien sûr, est romantique et incroyable. Elle n’en reste pas moins touchante, moderne, complexe et même pleine d’inattendue, esquivant notamment le « happy end » classique. Loin d’être juste un bonbon sans profondeur, « La La Land » est l’occasion pour Chazelle de poursuivre son obsession : le surhumain et l’humain. Qu’il dépeigne un musicien aspirant dans « Whiplash » et son mentor horrible, qu’il s’intéresse à la folie de la conquête de la Lune dans « First Man » ou bien qu’il constate la mort d’un couple sur l’autel des carrières de chacun, Chazelle poursuit une réflexion semblable. C’est-à-dire, pour faire simple : quels sacrifices pour arriver à des objectifs démesurés ? Aussi, avec « La La Land », ce bon vieux Damien acheva de devenir l’un de mes quatre chouchous parmi les réalisateurs du XXIéme siécle, ceux-ci étant Villeneuve, Nolan, Park Chan-Wook et donc Chazelle. Si vous ajoutez à cela une bande-son époustouflante de Justin Hurwitz (qui fut le coloc’ de Chazelle !) à écouter en boucle et sur laquelle délirer avec ses amis, comme il se doit dans une bonne comédie musicale, alors je suis conquis. Si vous rajoutez en plus Emma Stone, alors je suis envahi.
La scène : « Another Day of Sun » est un fabuleux moment cinématographique et musical, « Someone in the crowd » est ma chanson préférée du film, le concert avec John Legend est incroyable, l’ « Audition » d’Emma Stone est très touchante, mais la scène la plus folle reste, accompagnée par le morceau « Epilogue », la fin.
18. Princesse Mononoké (Hayao Miyazaki, 1997) :
Si Hayao Miyazaki est devenu, à la faveur de ce dessin-animé, un maître de l’animation mondialement reconnu, ce n’est certes pas pour rien. On oubliera pas que c’est « Princesse Mononoké » dont le succès a permis la sortie en France de toutes les autres œuvres du génie japonais, y compris celles déjà connues du Japon depuis longtemps. Et pour cause ! Cette œuvre, unanimement reconnu comme l’une des plus grandes de l’un des plus grands, est de celle pour qui le mot merveille paraît presque être un euphémisme. A titre personnel, mon premier visionnage fut assez triste : terrorisé par la violence à laquelle j’étais allergique à l’époque, j’ai vite quitté la salle. Mais une fois devenu grand et plus vacciné à l’hémoglobine, je m’y suis remis. Et quelle claque ! On a déjà tout dit sur ce chef d’œuvre, il ne me reste plus qu’à paraphraser. Dire que les dessins sont sublimes. Que le film est une leçon fabuleuse, sans didactisme et moralisme (ce qui est incroyable !), sur la nature, le pacifisme, mais aussi le féminisme ou l’humanisme. Et qu’en réalité, c’est encore plus profond que cela. « Princesse Mononoké », c’est aussi un modèle d’anti-manichéisme. Miyazaki, à rebours de la plupart des dessins-animés et des films grands publics, marque par son acharnement à vouloir rendre complexes et compréhensibles tous les points de vues. Et bien entendu, c’en est d’autant plus marquant. Epopée marquée d’animisme, se déroulant dans un Japon médiéval mais pourtant si actuelle, « Princesse Mononoké » est de ces films qui marquent l’imaginaire pour toute une vie. On oublie pas ces moments grandioses, ces tableaux. On oublie pas ces personnages incroyables. San la princesse-loup bien sûr, première modèle pour les jeunes filles lassées des sempiternelles princesses, bien avant Katniss ou Arya, mais aussi le charismatique Ashitaka, la fascinante Dame Eboshi, Moro la louve géante, les petits Esprits des Arbres, le Dieu-Sanglier, l’Esprit de la Forêt, tous ont des couleur qui nous marquent pour toute une existence. Oui, merveille, le mot est faible.
La scène : au milieu de toutes ces scènes extraordinaires, celle des lépreux est celle qui m’a le plus marqué, car elle vient établir avec une force folle le message suivant : il n’y aura pas de simplisme dans ce récit.
17. Alice au pays des merveilles (Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske, 1951) :
Le voilà donc mon Disney préféré. « Alice au pays des merveilles », bien sûr, tout sauf une surprise pour ceux qui me connaissent. Si je suis de manière générale pour relativiser les clichés dont souffrent les films Disney, accusées parfois un peu gratuitement de niaiserie et de platitude, je n’en reviens toujours pas que ce studio ait fait ce dessin-animé « Alice au pays des merveilles ». Il est assez incroyable que ce soit dans la fabrique de Walt qu’ait vu le jour la meilleure adaptation cinématographique du livre de Lewis Caroll et, sinon la plus fidèle (encore que !), au moins la plus proche adaptation de la folie de l’œuvre originale. Bien sûr, la plupart des calembours et jeux de mots, si littéraires et quasi-impossibles à retranscrire à l’écran, ont disparu. Mais au fond, qu’importe ! Pour cela on a toujours le livre. Et pour une vulgarisation jouissive, on a ce film ! Quelle dinguerie, mes amis. Quel plaisir. C’est délicieusement dément. Tout est fou, tout est culte. Le Lapin Blanc, les mets qui font grandir, le Dodo, Alice dans la maison, Tweedle Dee et Tweedle Dum, le Charpentier et Monsieur Morse, la Chenille, le Chat du Cheshire (ouiiiiii !), un Thé chez les fous (ouiiiii ! bis), les Fleurs, Alice perdue (snif), la Reine de Cœur… c’est incroyable. On a peine à croire que cela date des années 1950 et que c’était destiné à des enfants, même si ceux-ci peuvent y aller sans aucun souci. Je m’y suis dopé étant gosse et chacun y verra le résultat qu’il veut. Pour les adultes, il convient autant aux les amoureux de substances illicites, c’est-à-dire les gens qui consomment la drogue (qui ont d’ailleurs donné à ce film une seconde jeunesse à la fin des années 1960), qu’aux doux-dingues qui n’en consomment pas. Qu’importe que Walt Disney ait désavoué le film. Qu’importe que les critiques l’aient pour beaucoup démolies. Pour moi, c’est du génie en barres. Beaucoup plus fascinant et beaucoup moins sage que la daube sans saveur signée Tim Burton en 2010. Au lieu de me souvenir de ce qui fut l’une de mes plus grandes déceptions cinématographique, je préfère rester sur le kiff de ce dessin-animé.
La scène : Un joyeux non-anniversaire mon cheeeeeeeeeer.
16. Dans ses yeux (Juan José Campanella, 2009) :
Bien que méconnu, « Dans ses yeux » est pour moi l’un des meilleurs policiers de l’histoire du cinéma et mon favori de ce style. Merveille des merveilles du cinéma argentin, « El Secreto de sus Ojos » en VO, est une œuvre fascinante qui résonne dans votre esprit de nombreuses heures après que vous l’ayez vu. C’est au cours de mon année universitaire en Argentine que j’ai compris les références culturelles sous-tendu par l’histoire, mais je vous assure qu’il n’y a pas besoin de les avoir pour apprécier. Certainement pas. Car l’histoire de « Dans ses yeux » sait toucher à l’universel. Evoquant aussi bien la petite histoire rencontrant la grande que l’impunité terrible, c’est d’abord et avant tout un film sur l’obsession de la justice et sur l’amour. Amour contrariée, amour terrible, amour qui rend fou, amour grandiose, tous ces amours-là donnent à cette histoire une force hallucinante. Quant à la justice… nul n’est besoin de trop en révéler, si ce n’est de dire que la fin du film, littéraire au sens fort, est à la hauteur des révélations les plus marquantes qu’ait connues et le cinéma. C’est aussi l’occasion d’une masterclass de deux des plus grands noms du cinéma argentin. Ricardo Darín, la superstar albiceleste, qui fait ici usage de tout son talent. Guillermo Francella, clown auguste devenu pour l’occasion clown blanc sublime dans le rôle de Sandoval, plus beau personnage du film, tout aussi touchant qu’hilarant (il faut un petit moment au public avant de saisir toutes ses excuses téléphoniques pour ne pas travailler). Mais il serait injuste d’oublier le reste d’un casting phénoménal, que ce soit la juge, l’amoureux brisé ou l’affreux tueur. Voilà bien une œuvre a conseillé à tous : autant aux cinéphiles en quête de nouvelles découvertes qu’à un grand public curieux. A priori, personne ne sera déçu. La force du récit de « Dans ses yeux » y veillera.
La scène : Bien sûr la fin est inoubliable, mais la plus belle scène du film est celle de la sublimissime tirade sur la passion, reprise d’un proverbe argentin, qui s’ouvre sur la plus grande action de bravoure cinématographique de l’œuvre : un plan-séquence dans un stade plein à craquer.
15. Le Dictateur (Charlie Chaplin, 1940) :
Il a bien attendu Charlie Chaplin avant de se lancer dans le parlant. Il a bien pris son élan. Et il a bien fait, déjà parce qu’il a pu offrir au muet de nouvelles merveilles. Et ensuite parce que quand il s’est décidé à sauter, il ne l’a pas fait à moitié. On a peine à croire que « Le Dictateur » est le premier film parlant d’un homme qui ne voulait pas des dialogues au cinéma. Oh bien sûr, il y a encore dans ce film, tout ce qui fait le génie de la pantomime de Chaplin, avec des scènes qui n’ont pas besoin de mots pour être mémorables (on pense notamment au globe terrestre) et une attention toute particulière portée au mouvement, aux expressions, aux silences, aux situations, etc… Mais quand Chaplin prend la plume et, le temps d’un discours, nous offre ce qui est peut-être le texte le plus magnifique de l’histoire du cinéma, on se dit : « c’est donc cela, le parlant selon Chaplin ». « Le Dictateur » est plus que mémorable à bien des égards. Déjà, c’est une belle preuve que oui, on peut rire de tout, ou plutôt dans ce cas présent, que tous les sujets peuvent faire l’objet d’une comédie à condition de le faire bien (ce que beaucoup semblent oublier en rabâchant encore et toujours, si bêtement, la liberté d’expression de l’humour). Si « Le Dictateur » marche, c’est parce qu’il fait de l’humour une arme sublime, faisant la preuve éclatante que pour décrédibiliser quelque chose, rien ne vaut cette arme-ci. Rien ne vaut le ridicule. Ensuite, c’est un modèle d’inventivité de l’humour, justement transcendant jusqu’au gag classique (la confusion entre deux personnes). Bien sûr, en plus de la comédie, c’est une œuvre brûlante d’humanisme, mettant à bas l’intolérance et le fanatisme. Enfin, et c’est l’une des choses les plus belles qu’on peut dire de ce film, c’est une marque de courage. On n’oubliera pas que Chaplin sort « Le Dictateur » en 1940, à une époque où beaucoup aux Etats-Unis hésitent encore quand à l’opportunité d’intervenir dans la Seconde Guerre Mondiale, voire regardent Hitler du meilleur œil. Monument du cinéma, « Le Dictateur » n’a rien perdu de sa force et de sa flamme.
La scène : le fabuleux discours bien entendu, je l’ai dit et je le redit : peut-être le texte le plus magnifique de l’histoire du cinéma.
14. Little Miss Sunshine (Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2006) :
En 2006, un duo composé des époux Jonathan Dayton et Valerie Faris débarque en chamboule-tout dans le monde du cinéma indépendant. Leur œuvre ? « Little Miss Sunshine » définition même du mot « bijou » sur grand écran. Rien que le pitch est incroyable : suite au rêve d’une fille ne correspondant que peu aux canons de beauté de participer à un concours de miss, toute la famille s’embarque dans un délirant road-movie pour la mener à bon port. Dans cet équipage hétéroclite que seul le mot famille semble réunir on trouve deux parents (superbes Greg Kinnear et Toni Colette), un oncle suicidaire et spécialiste de Proust (délicieux Steve Carell), un frère mutique (formidable Paul Dano, révélé par le film), un grand-père provocateur (savoureux Alan Arkin) et bien sûr la petite (fabuleuse Abigail Breslin). Bien entendu, ce voyage est l’occasion pour toute cette famille de se confronter chacun à soi-même et aux autres. Cliché ? Que nenni. « Little Miss Sunshine » est tout sauf grands violons et gros sabots. Les moments rocambolesques s’enchaînent sans répit avec une bravoure à l’image des personnages : humble mais pleine de panache. C’est le petit de l’existence, le petit d’une famille, qui touche au sublime. Dans le jouissif de l’exceptionnel, se reflète en creux le magique de l’universel. Il y a quelque chose d’extraordinaire de ce concentré d’humanité qui se déploie devant nos yeux. Tous les sentiments s’y mêlent, du rire aux larmes. La subtilité ne quitte pas un instant l’écran. On est touché au plus profond de notre cœur, au plus profond de notre âme. En regardant tout cela, on se dit que malgré tout, il y a quelque chose de beau dans l’humanité et dans la vie. « Little Miss Sunshine », incarne les lettres de noblesse du feel-good movie. Vous trouvez que j’exagère ? Regardez ce film, et jugez par vous-même.
La scène : le moment de la danse pendant le concours de Miss, probablement l’une des scènes les plus jouissives de l’histoire du cinéma.
13. Les Voyages de Gulliver (Charles Sturridge, 1996) :
Comme « Duel », « Les Voyages de Gulliver » est un atypique de ce classement car c’est en réalité un téléfilm, ou plutôt une mini-série en deux épisodes. Que ? Quoi ? Comment ? Qu’est-ce ? Une mini-série dans ce classement, mais c’est tricher ! Tranquille mimile. Si « Les Voyages de Gulliver » se trouvent ici c’est parce que je ne les ai jamais regardé que comme un film. Enregistré sur une vieille VHS (ouh yeah la nostalgie) par mes parents, cette œuvre n’a jamais été rien d’autre pour moi et je n’ai découvert ce côté sériel qu’en écrivant ces lignes (promis). Alors, tant pis, n’oublions pas que je fais un peu ce que je veux ici. De toute façon, le DVD dont je dispose actuellement a édité l’œuvre en un seul morceau, aussi « Les Voyages de Gulliver » restera pour moi un film. Enfant, ce récit de tout de même plus de trois heures, avait pour moi le côté mythique d’une œuvre à la longueur démesurée, que je rêvais de pouvoir visionner en entier mais qu’il me fallait toujours regarder en plusieurs fois. C’est un de mes plus grands souvenirs de gosse en tant que spectateur. J’étais fasciné par ces aventures, émerveillé devant elles. Je ne m’en lassais pas. Il faut dire que l’œuvre de Charles Sturridge a deux immenses mérites. La première c’est l’exhaustivité. On y retrouve non seulement les célèbres lilliputiens et les géants, mais nombre d’histoires beaucoup plus méconnues et tout aussi géniales : l’île-volante de Laputa, des savants fous, un homme obsédé par l’Histoire, des immortels et une civilisation de chevaux, entre autres. Ainsi, c’est sans doute l’adaptation la plus fidèle du roman de Jonathan Swift. Deuxième mérite : croiser les voyages et le retour de Gulliver, faisant de l’histoire encore plus qu’auparavant, une réécriture splendide de l’Odyssée, en y incluant d’une certaine manière le retour d’Ulysse. Pris pour fou en racontant ses aventures, Gulliver est interné. Entre le combat de sa famille, ainsi que sa vie à l’asile, et son récit, l’aller-retour devient constant, jusqu’à une bouleversante résolution finale, où comme le dirait Aznavour « on voit confondu les coquins dans une histoire un peu triste où tout s’arrange à la fin ». En redécouvrant, des années plus tard, cette petite merveille, j’ai éprouvé une délicieuse impression de madeleine de Proust. Je me suis aperçu que la musique résonnait encore à mes oreilles et que de nombreuses répliques étaient restées gravées dans ma mémoire.
La scène : l’examen de Gulliver en public, avec la magnifique tirade de sa femme et l’arrivée de son fils, en parallèle de son expérience chez les chevaux.
12. Les Ogres (Léa Fehner, 2015) :
Si, en sortant de la séance de cinéma, je proclamai qu’il allait être difficile pour un autre film de venir détrôner dans mon cœur « Les Ogres » cette année-là, ce n’était pas pure enflammade. On s’en rend bien compte en retrouvant ce film aussi haut dans le classement. Et pourtant, j’aurai parfaitement pu passer complétement à côté, au vu de sa « fame » assez réduite malgré de belles critiques presses comme spectateurs, sur les différents agrégateurs de notes de ce concept informatique qu’on appelle le web. Mais, intrigué par les affiches placardées, sans doute tenté par le côté théâtre, je suis allé le voir au cinoche. Et je me suis pris une belle patate dans la gueule. Cette plongée dans la vie d’une troupe de théâtre itinérante, inspirée par celles des propres parents de la réalisatrice Léa Fehner (qui jouent d’ailleurs dans le film), est un monument à découvrir d’urgence. Ode sublime à la vie déchainée, « Les Ogres » annonce la couleur dès son titre. Il sera ici question de gens « trop », mangeant l’existence à pleines dents, s’y brûlant parfois et y retournant de plus belle. « Les Ogres », c’est toute la complexité de ces gens qui n’ont rien de commun. C’est toute la beauté de leur vie à part, encore bohème, paraissant appartenir à un autre temps, celui du tréteau et des caravanes de troubadours. On a tout à la fois envie de les rejoindre, et aucune envie de le faire. C’est là toute la force de ce film, présenter l’entier, pas le réduit, pas la partie, non. Présenter tout, brut, énorme, brûlant, gargantuesque et dire : « voilà les ogres ». Les comédiens (dont Adèle Haenel à l’époque encore peu connue) sont tous extraordinaires. Mention spéciale pour le fabuleux Marc Barbé, interprète de l’incroyable personnage de Déloyal, tout ensemble odieux et magnifique. On y trouve aussi une chanson très belle : « Une Femme » aux paroles poétiques et subtiles. Bien sûr, il est aussi question de théâtre, et un amoureux du théâtre comme moi, ne pouvait qu’être touché aussi intensément par cette déclaration d’amour effarouché à cet art. Bref, « Les Ogres » est à voir et je me prive pas de le conseiller, quitte à être moqué par certains de mes amis pour mon insistance. Ce n’est pas grave, si un jour ils passent outre, ils verront j’espère que je n’avais pas tort d’en faire autant. Cela dure 2H20 et on ne voit pas le temps passer.
La scène : il y a beaucoup, beaucoup, de scènes exceptionnelles, comme une très marquante scène dans un restaurant de couscous, mais je vais choisir la course-poursuite entre véhicules du début parce qu’elle donne le « la » du film.
11. Monty Python : Sacré Graal ! (Terry Jones et Terry Gilliam, 1975) :
S’il y a eu la première folie des Monty Pythons (leur premier films), il y a aussi pour moi leur plus belle : « Sacré Graal ! ». Certes « Le Sens de la Vie » m’aura fait encore plus rire (ce qui est quelque chose !) mais « Sacré Graal ! » a en plus le côté culte (sans mauvais jeu de mot). Dans le monde entier se trouvent des gens pour connaître ses répliques et ses scènes. Or le plaisir de pouvoir délirer d’un film, que ce soit avec ses amis ou avec quelqu’un qu’on vient de rencontrer, est quelque chose d’inestimable. Voilà la plus belle réussite de la bande de comique : avoir réuni tant de monde, de tant de nations différentes, sur un seul et même rire. Ajoutons que l’ingéniosité de la troupe semble à son sommet dans ce film, les bruits de chevaux remplacés par des noix de coco, faute de budget, en étant une belle métaphore. Rarement, on a exploité aussi bien tout le potentiel comique d’une époque historique. Rarement, on est allé aussi loin dans la finesse de l’absurde. Communauté autogérée en plein milieu de l’Angleterre médiévale, français grossiers, château de Arrrrrrgh, chevalier noir, chevaliers du « Ni ! », jugement de sorcière, lapin tueur, homme à trois têtes, les questions du pont de la Mort bien sûr, Lancelot tuant tout le monde à une noce, « I’m not dead », interlude musical, le barde, dessinateur mourant d’une crise cardiaque, vache volante, les dessins de Gilliam, la tentation de Galahad, fin totalement inattendue (même pour les Monty Pythons)… La liste est délicieusement longue. De deux choses l’une : soit vous souriez d’un air entendu en lisant tout cela, et vous avez bien raison. Soit vous n’y comprenez rien et vous pouvez vous estimer heureux. Il vous reste un chef d’œuvre absolu de la comédie à regarder. Massez vos zygomatiques. Installez-vous confortablement. Profitez, ça va être bien. Ça va être très bien. Petit veinard.
La scène : déterminer la scène de « Sacré Graal ! » est presque aussi fou que les Monty Pythons, mais puisqu’il faut être dingue, alors c’est parti, va pour le lapin tueur (mdr, j’avais marqué « pain » genre un « pain tueur », c’est pas mal non plus ah ah. Bises).
Les articles précédents :
De la 200éme à la 176éme place.
De la 175éme à la 151éme place.
De la 150éme à la 126éme place.
De la 125éme à la 101éme place.