Wesh.
10- Manchester by the sea.
Casey, à fleur de peau.
Tonton, les p’tits bateaux.
En sortant de « Manchester by the sea », j’ai eu une impression étrange, qui ne m’arrive quasiment jamais, un sentiment sans doute un peu idiot mais que je ne peux m’empêcher de partager. Je me suis dit : « tu n’as pas assez vécu pour apprécier à plein ce film ». Comme si les vents de l’existence ne m’avait pas assez marqué pour vraiment entrer en empathie avec cette histoire. Bien sûr, c’est en partie stupide comme raisonnement : s’il fallait avoir vécu la guerre pour apprécier les films de guerre, ça se saurait, et de même, expérience n’est pas toujours mère de raison. Mais pour « Manchester by the sea », je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser. A raison, à tort ? No sé. Toujours est-il que j’ai eu du mal à rentrer pleinement dans cette oeuvre. Je suis resté en observateur rationnel lors du visionnage, quand mon plaisir de spectateur le plus grand est au contraire de me laisser entraîner à fond dans un film, pour ensuite faire surgir la réflexion. Pourtant, « Manchester by the sea » parvient à entrer dans mon top annuel, pour deux fortes raisons. La première, c’est sa subtilité à décrire avec une extraordinaire minutie l’exclusion d’un homme, en nous la faisant comprendre et ressentir morceau par morceau. La deuxième c’est pour avoir permis à cet acteur génial qu’est Casey Affleck d’accéder enfin à la reconnaissance qu’il mérite. Depuis son incroyable composition dans « L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », je ne cesse de clamer à qui veut l’entendre à quel point son talent est grand. Au sein d’un casting impeccable, c’est donc ce rôle de damné, glacial en apparence mais cachant la plus brûlante des fièvres (à l’image du film), cette interprétation à vif exploitant au mieux son charisme animal à la Mitchum qui l’aura montré aux yeux de tous, au point de lui offrir un Oscar mérité. C’est parfois agréable, mine de rien, de se dire « je vous l’avais bien dit ».
9- Toni Erdmann.
Ach, l’humour.
« C’est mon jardin que vous voyez derrière, pas mal non ? C’est roumain. »
Une comédie, « Toni Erdmann » ? C’est un peu court, jeune homme. Une comédie acide alors, amère même. Il paraît que l’humour, c’est « la politesse du désespoir » et que bien souvent le rire n’est jamais aussi beau que lorsqu’il se substitue aux larmes. « Toni Erdmann » en est un bon symbole. Derrière le rire affleurent ici, perçants, la critique sociale, le drame familial. C’est là que le film cherche à frapper, avec un mélange troublant de douceur et de force. La scène des cupcakes au sperme (oui, oui) en est un excellent exemple, à la fois ultra violente et extrêmement calme. Et d’ailleurs, on rit peu, devant « Toni Erdmann », ou alors jaune, presque gêné. Beaucoup de scènes sont fortes, touchantes, mais drôles ? Pas si sûr. On pourrait presque dire que ce qui rend le film de Maren Ade si singulier est sa posture de comédie qui esquive le rire. La majorité du temps, on le promet au spectateur, et au dernier moment, on le remplace par autre chose, pour mieux le chambouler. Pour autant « Toni Erdmann » n’est pas anti-rire. Simplement, il le préserve, le réserve pour le bon moment et quand il vient enfin, c’est une véritable explosion, une cascade, un torrent. Jubilatoire, jouissive, ahurissante, géniale, les qualificatifs sont nombreux à l’heure de décrire cette scène de la fête d’anniversaire naturiste (oui, oui bis) vers la fin du film. C’est tout simplement l’un de mes plus gros fous rires au cinéma. Alors oui, « Toni Erdmann » a ses longueurs, son manque de rythme. Mais rien que pour cette scène-là, rien que pour ses deux acteurs principaux épatants de subtilité dans la construction de cette relation pére/fille, il mérite le détour.
8- La Tortue Rouge.
Ghibli Orange.
Un dessin-animé sans dialogue réalisé par un néerlandais et produit par le studio Ghibli : voilà une carte de visite pour le moins propre à exciter ma curiosité. Dire qu’elle fut satisfaite par le visionnage, c’est peut-être s’avancer un peu. Car « La Tortue Rouge » est un film curieux, aux allures de conte initiatique enivrant et écologiste. Tout y est à la fois d’une simplicité tranquille et paradoxalement, d’une complexité subtile. L’histoire d’abord : la parabole de la vie d’un homme est limpide et les métaphores comme les symboles ne se veulent pas particulièrement obscurs. Pourtant, au générique, on garde comme un goût étrange en bouche à la fin : malgré toutes ces évidences, a-t-on vraiment tout compris ? Sans doute pas, car à la logique, à la raison, « La Tortue Rouge » préfère le monde du rêve et de l’émotion pure, avec tout ce que cela comporte de mystère. Ensuite, il y a ces dessins, ces magnifiques dessins, tout à la fois épurés « à la japonaise » et reflet d’un travail d’une minutie hallucinante. Rarement a-t-on vu (à part peut-être dans certains plans de Miyazaki) le dessin animé se rapprocher autant de la peinture. Les images de « La Tortue Rouge » sont d’une beauté à couper le souffle, tout à la fois aquarelles et estampes, réalistes et oniriques et encore d’autres choses que le profane des arts plastiques que je suis ne peux qu’entrevoir. Et quand viennent sur cet ensemble de poésie douce, se greffer une musique sublime et des crabes drôles et touchants, on arrive à une oeuvre qui apportent une nouvelle et solide pierre à la lutte menée par le dessin animé pour obtenir le respect artistique qu’il mérite et qu’il est en passe de définitivement gagner. Il était temps…
7 – Demain.
C’est pas si loin.
« Demain » (sorti en 2015, mais que j’ai vu au cinéma en 2016) est un petit miracle. C’est en effet probablement le seul film que j’ai vu de ma vie à valoir mieux, à mon sens, que ses auteurs. Oui, je sais, c’est étrange, et pourtant… Je m’explique. Mélanie Laurent et surtout Cyril Dion ont beau être insupportables dés qu’ils se mettent en scène à l’écran (sérieusement, qui en a quelque chose à carrer de voir l’équipe du film traverser un passage clouté en mode Beatles ?), ils ne parviennent pas pour autant à ruiner leur film. Certes, ne soyons pas de mauvaise foi, le mérite de « Demain » leur appartient malgré tout, mais c’est presque comme s’ils avaient été à la limite de gâcher toute une belle entreprise juste par de la niaiserie sirupeuse et du trip égotique. Franchement ça aurait été dommage. Certes, le film a son côté simpliste, réducteur, inévitable dans ce genre d’entreprise. Certes, dans son ambition de montrer ce qu’il est possible de faire autrement, il évacue beaucoup des difficultés concretes de mise en application. Mais ne soyons pas rabats-joie. « Demain » n’est pas un film parfait, mais il n’en reste pas moins nécessaire. Parce que les grandes thématiques choisies par le film sont justes. Parce qu’il est intelligemment construit. Parce que, même s’il n’est pas révolutionnaire pour ceux qui s’intéressent au développement durable, il a le mérite de mettre dans la lumière « grand public » des exemples, des idées intéressantes. Parce que « Demain » veut s’adresser à tout le monde sans mépris ni dogmatisme. Parce qu’il essaye d’être synthétique dans le bon sens du terme, et pédagogique. Parce que « Demain » a compris une chose essentielle : l’écologie, dans notre monde contemporain, c’est aussi une affaire de storytelling. Parce qu’il prend le pari essentiel de parler du positif, du possible, plutôt que du négatif et des risques. Au final, c’est cela que l’on retiendra, non les sourires hallucinés de Mélanie Laurent. Et c’est tant mieux.
6- Zootopie.
La Vie Privée des Animaux.
Bien que, comme la majorité des gens de mon âge, le combo Disney/Pixar occupe une place importante dans ma mythologie cinéphile, je ne suis pas fan au point de me rendre chaque année (oh le sacrilège !), dans les salles obscures pour découvrir leur nouvelle fournée animée, servie avec une régularité d’horloger par ces studios. C’est encore plus vrai pour les purs Disney, dépassés par Pixar en terme de potentiel à mes yeux : « Raiponce » mis à part (avec déjà Byron Howard en partie aux manettes), car vraiment plaisant et intéressant, je leur reconnais une maîtrise dans le dessin, dans le storytelling, mais il leur manque souvent un supplément d’âme pour passer du classique « Disney », typé produit de marque, au classique tout court. Bref, c’est bien fait, mais sans plus. Ce qui explique en partie pourquoi « Zootopie » est le seul film de ce classement que je n’ai pas vu au cinéma. Il a fallu une intense campagne de lobbying de deux de mes colocs succédant à une palanquée de bonnes critiques presse et spectateur sur AlloCiné pour que je m’y mette. Et mine de rien, il fait parfois bon être influencé (j’ai bien dit parfois) car « Zootopie » fut pour moi une très agréable surprise : personnages principaux charismatiques, personnages secondaires plein de trouvailles, humour et clin d’oeil amusant, histoire prenante, détails plutôt inventifs et chanson phare entraînante (#TeamTryEverything, nique « Libérée, Délivrée »), tout y est pour passer un bon moment. Mais le plus surprenant, c’est la force du discours de tolérance du film, vraiment sensible et efficace. A l’heure où ce débat prend de l’ampleur, on pourrait même presque voir dans « Zootopie » un film un chouïa anti-spéciste. Bon ok, c’est sans doute aller bien trop loin. En tout cas pour Disney, c’est vraiment un très bon cru.
La suite du classement arrive très vite !