cinemaginarium » Tarantino Ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer les films. Fri, 31 Aug 2018 12:49:58 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.6 Mes films préférés de 2016 : avant propos et mentions spéciales /filmspreferes2016avantproposetmentions/ /filmspreferes2016avantproposetmentions/#comments Thu, 06 Apr 2017 15:21:27 +0000 licontinovich /?p=622 Continue Reading ]]> Il est encore plus difficile pour moi qu’à l’accoutumé de juger de manière globale cette année cinématographique. Une fois n’est pas coutume, je me suis peu aventuré dans les salles obscures au cours de 2016.  De plus, non seulement j’ai regardé peu d’oeuvres, mais rares sont celles à m’avoir transcendé. Année en creux ? Difficile à dire. J’ai loupé beaucoup trop de films unanimement célébré pour avoir un avis réellement pertinent.

« Mais alors, tu es en train de parler pour ne rien dire ? »

Alors déjà, qui êtes-vous, que faites-vous sur mon blog et d’où vous permettez-vous de me tutoyer ? Non mais oh ! Et puis sachez que non, pas d’inquiétude, Gertrude (si vous me permettez de vous appeler Gertrude). J’ai quand même un bon gros top 10 des familles à présenter, disons simplement que la sélection et la réalisation dudit top auront été à la fois plus facile (vu le peu de films visionnés) et difficile (pour qu’il puisse avoir un minimum de sens niveau exigence) que d’autres années. Bref, de toute façon, comme j’ai mon petit côté chieur/troll/canaille, on ne va pas commencer le top dans cet article.

« Oui, donc c’est ça, t’as dit tout ça pour au final parler de tout à fait autre chose ? »

Ta gueule, Gertrude. Non, je ne vais pas parler de « tout à fait autre chose », je vais simplement, avant mon top 10, m’arrêter un moment sur cinq mentions spéciales. Cinq films qui, pour diverses raisons n’ont pas leur place dans ma sélection, mais dont j’avais envie de parler quand même. Parce que c’est mon blog et que je fais ce que je veux.

Mention « Bonne surprise » : Les Animaux Fantastiques.

"C'est du cuir véritable ?"

« C’est du cuir véritable ? »

C’est peu dire qu’en allant voir « Les Animaux Fantastiques », je ne m’attendais pas à une merveille. Pour moi, ce film existait pour une seule et principale raison : ARRACHER ENCORE DU FRIC AUX FANS D’HARRY POTTER (j’aime bien mettre des majuscules vénères comme ça, sans prévenir). J’avais décidé malgré tout de participer consciemment à cette entreprise vampirique, tout simplement parce que ce soir là j’avais envie de me vider la tête devant un film « pop-corn », sans pour autant devoir m’abaisser jusqu’à me taper un Michael Bay (coucou Michael, tu vas bien ? Ca faisait longtemps que je t’avais pas envoyé un p’tit scud, ça m’avait manqué). Alors va pour « Les Animaux Fantastiques ». Hé ben, croyez moi ou pas mes p’tits loups mais au final, j’ai passé franchement un bon moment. Alors certes, y a pas de quoi hurler au chef d’oeuvre de divertissement, mais ça reste de très bonne facture. D’autant plus pour un truc réalisé par ce jambon de David Yates, qui s’est quand même signalé sur la saga Harry Potter par une prise de risque artistique proche du néant. Mais bon ici, ça passe bien, peut être parce que l’essentiel est ailleurs que dans la réalisation. Pourquoi ? Parce que les personnages sont assez originaux et subtils, une mode de plus en plus présente dans les gros blockbusters familiaux (coucou « Star Wars VII ») et qui fait du bien. Parce que lesdits personnages sont joués avec saveur et sensibilité par un casting d’acteurs plutôt habitués au cinéma indépendant (ça aussi, ça à tout d’une bonne idée). Et parce que JK Rowlings est au scénar’ et on a beau dire, mais la meuf n’a pas écrit la saga littéraire la plus populaire des dernières années, si ce n’est de l’histoire, par hasard. Ji Kay a un talent indéniable pour trouver de bonnes idées, rarement révolutionnaire, mais souvent trés fortes. L’obscurus en est sans doute le meilleur exemple, et peut même se targuer de lancer une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît sur le refoulement. Bref, qu’on en veuille à mes sous, soit, mais pour peu qu’on soigne assez bien le taf’ et que j’en sois conscient, je dis pourquoi pas. Rendez-vous pour le prochain film.

PS : Pour rester dans les « spins-off » de saga, certains se demanderont peut-être ce que j’ai pensé de Rogue One. Je dirai « pas mal, sans plus ». Certes, la toute dernière scène avec Dark Vador est juste ouffissime et représente probablement l’un de mes plus grands plaisirs de cinéma. Certes, le film est très beau visuellement. Mais il met aussi quarante années lumières à démarrer et on se contrefout franchement du destin de tous ces personnages auquel on arrive pas à s’attacher par manque de temps, et aussi de charisme (déso, pas déso). Le plus grand mérite de Rogue One se trouve sans doute dans l’idée très forte de montrer que dans une saga comme Star Wars, il n’y a pas eu que des héros, mais aussi des petites mains qui ont fait l’histoire. En terme de réflexion, c’est passionnant. En terme de cinéma, moins (déso, pas déso bis).

Mention « Déception » : The Revenant.

Très très NRV !

Très très NRV !

Mettons les choses au clair tout de suite : oui, « The Revenant » est un bon film. Non, je n’ai pas passé un mauvais moment. Mais ça, je m’en fout. Je ne voulais pas un bon film. Je ne voulais pas un bon moment. Je voulais passer un moment de taré mental. Je voulais un film de fou furieux. Après Birdman, avec une telle équipe à la réalisation, avec une telle ambition artistique, ce film aurait dû finir premier de mon top, à l’aise, fingereuh in the nozeuh. Mais non. Ah ça, c’est propre, c’est pas le problème. Les plans sont magnifiques. La réalisation atteint un sommet de maîtrise. La photographie est à tomber. La scène d’ouverture en plan séquence est une dinguerie. Mais derrière il n’y a rien. Rien à part Léonardo Di Caprio qui bave (j’exagère à peine). Le scénario tient sur une feuille de papier à cigarette et échoue complètement à acquérir une transcendance à la manière, par exemple, d’Apocalypse Now, autre film à ambition monstrueuse sur le voyage d’un homme dans une contrée hostile. Peut-être, parce que contrairement au film de Coppola, celui d’Inarritu n’est pas vraiment parti en couille au tournage, peut-être pour d’autres raisons, il manque clairement d’un souffle, d’un supplément d’âme. Quand à Di Caprio, il joue très bien le mec qui souffre, mais avoir donné son seul oscar à cet acteur de génie pour cette performance qui n’est clairement pas ni sa plus subtile, ni sa plus profonde, en bref, certainement pas sa plus aboutie, c’est un peu du foutage de gueule. A mon sens, et Léonardo nous l’a prouvé dans de nombreux autres films, le jeu d’acteur c’est un peu plus que de la frénésie, de la souffrance, de la bave et des yeux hallucinés. Mais bon, l’Académie aime par dessus tout et les gens qui perdent/gagnent du poid, et les gros masochistes, alors Di Caprio qui tourne vraiment à poil dans la neige, ça leur a paru super cool. Grand bien leur en fasse. Moi, en attendant je me suis retrouvé à regarder une version longue des « Malheurs de Léo », dans une surenchère devenant presque gratuitement sadique, car justifié par du vent, mais avec de zoulis images. C’est déjà ça, mais avec une telle promesse, j’attendais plus. Bien plus.

Mention « Franchement, presque » : Les Huit Salopards.

"Not a warning, not a question... a bullet" (extrait de la meilleure punchline du film dans un film qui en compte tout de même quelques-unes).

« Not a warning, not a question… a bullet » (extrait de la meilleure punchline du film dans un film qui en compte tout de même quelques-unes).

La nouvelle réalisation de ce fripon de Tarantino échoue à deux doigts de mon top 10. En faveur y avait : des scènes d’anthologies, sans doute parmi les meilleures du cinéma de Quentin, Samuel L. Jackson, Jennifer Jason Leigh, le reste du casting, des grosse punchlines comme on les aime, Samuel L. Jackson, une musique originale d’Ennio Morricone (coeur, coeur), un carnage final de voyou, Samuel L. Jackson et encore un peu de Samuel L. Jackson. Contre y avait : une morale comme toujours chez Tin-Quen ambiguë, mais cette fois de manière un peu gênante, des grosses grooooosseeees longueurs, notamment au début, et surtout un style qui a l’air d’avoir perdu de sa magie, comme si on connaissait déjà la recette, comme si cela n’arrivait plus à nous surprendre, comme si certaines choses viraient au gratuit, au plaisir personnel, comme si Tarantino faisant du Tarantino, ça ne suffisait plus, à l’image de ces musiques qu’on a écouté en boucle parce qu’on les adorait mais qui du coup sont devenu un peu lassante. Ca faisait un peu trop pour intégrer le top. « Les Huits Salopards » n’en reste pas moins un film de vraiment bonne facture et on fait confiance à Tarantino pour moins se reposer sur ses lauriers et faire repartir la magie dans son prochain projet.

Mention « Mystère du spectateur » : Spotlight.

"-Et si on parlait plutôt de ce chat qui fait de l'accordéon ? -... -Roooh, ça va, c'était une blague".

« -Et si on parlait plutôt de ce chat qui fait de l’accordéon ?
-…
-Roooh, ça va, c’était une blague ».

« Spotlight » est un trés bon film. La réalisation y est d’une sobriété bienvenue. Les acteurs sont excellents. Mais son plus grand mérite est le suivant : raconter un métier (le journalisme d’investigation) en cédant le moins possible à la théâtralisation et à l’idéalisation, chose fort appréciable au cinéma. Dans « Spotlight » les reporters ne sont pas des ersatz de Tintin sauce Médiapart, ce sont des hommes et des femmes besogneux, dont l’enquête comporte également de longs moments de recherche peu séduisants, des doutes, des pauses, des moments difficiles… Le film frappe juste à de nombreuses reprises : quand il évoque la complexité de mener un dossier en profondeur et sur le long terme à l’époque de l’instantanée et du buzz, quand il montre cet instant où le journaliste prend tout un coup conscience que l’enquête qu’il mène concerne aussi son quotidien… « Spotlight » sait prendre son temps, jusqu’à ce générique coup de poing listant la somme incroyable d’affaires semblables dans le monde. Bref, cet « Les Hommes du Président » 2.0 (en allusion au classique sur l’affaire du Watergate) a peu de défauts, et rétrospectivement, on ne peut que trouver bienvenu la décision des Oscars d’honorer sa profondeur au dépend du tape à l’oeil gratuit de The Revenant (profitez, c’est pas tout les jours que je défend les Oscars). Alors quoi, pourquoi Spotlight n’est pas présent dans mon top 10 ? Hé bien, c’est ce qu’on appelle un « mystère du spectateur ». Ici il consiste en ceci : comment un film qui avait tout pour me plaire et dont je reconnais les indéniables qualités a pu me laisser aussi « froid » ? Contexte de visionnage ? Manque de transcendance ? Subjectivité subtile des goûts ? Tout cela à la fois ? Qui sait, en tout cas, tout cela nous prouve, s’il le fallait, à quel point être spectateur, c’est souvent une expérience plus complexe qu’il n’y paraît. Je laisse donc « Spotlight » à ceux qui auront su l’apprécier, avec toute mon approbation.

Mention « Quand on connaît déjà la musique » : Juste la fin du monde.

Crépuscule.

Crépuscule.

Je pense honnêtement que si j’étais allé voir ce nouveau Dolan sans connaître la pièce sublime de Jean-Luc Lagarce, dont il est tiré, « Juste la fin du monde » serait entré sans peine dans mon top 10. Seulement voilà, malgré toute la bonne volonté de l’ami Xavier, il aura échoué à me faire redécouvrir ce texte. Peut-être en était-il trop respectueux, incapable d’assumer cette part de risque (voire même ce côté iconoclaste) que comporte à mon sens toute adaptation réellement ambitieuse. Pourtant il y avait du potentiel, notamment dans le casting : Vincent Cassel est excellent à contre-emploi. Nathalie Baye est immense, Gaspard Ulliel a l’air fait pour son rôle et Marion Cotillard, si injustement décrié par une partie du public français, livre à nouveau une performance sensible, touchante. Reste Léa Seydoux, qui fait du mieux qu’elle peut, mais forcément, à côté de tels comédiens, ça ne fait que renforcer l’impression gênante qu’elle n’en serait pas là si elle s’appelait Martin. Alors, certes, j’ai passé un bon moment, mais il manquait une chose souvent essentielle à mon goût du cinéma : la surprise. Reste deux scènes indéniablement touchées par la grâce : le dialogue entre la mère et le fils, à l’écart, et le pétage de plomb d’Antoine à la fin du film, dans cette lumière incandescente de fin de journée. Dommage de terminer un moment aussi fort par une métaphore finale à mon avis bien peu subtile.

See you soon pour le top 10 !

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Le cinéma « Pop-Geek » tape la pose, s’impose et t’explose /le-cinema-pop-geek/ /le-cinema-pop-geek/#comments Sun, 08 Mar 2015 13:17:44 +0000 licontinovich /?p=463 Continue Reading ]]> Kingsman

L’excellent « Kingsman », sorti récemment sur nos écrans, est un film paradoxal. De prime abord, il apparait comme unique et ne ressemblant à aucun autre. Pourtant (et cela n’enlève rien à ses immenses qualités), il est au contraire ultra-représentatif d’un certain cinéma. Explications.

Du cinéma geek en général…

Parfois, quand on va au cinéma, c’est pour être méditatif, et parfois c’est juste pour le fun. Parfois, on se sent d’attaque à être ébloui par « Winter Sleep », et parfois, on a juste envie de se refaire l’intégrale des « Seigneurs des Anneaux ». Parfois, c’est « Bergman avec vin rouge », et parfois c’est « Star Wars avec pizza ». Et au petit jeu du « divertissement pas aliénant », certains réussissent mieux que d’autres.

On le sait au moins depuis Georges Méliés, le cinéma « pop-corn » n’est pas une honte, du moment que plaisir ne signifie pas « génocide de neurone » (n’est-ce pas, Roland Emmerich ?). Or, ces « blockbusters » unanimement reconnus, par le public comme par la critique, sont aujourd’hui quasiment tous affublés assez arbitrairement de l’étiquette « geek », sans que personne ne sache vraiment définir concrètement ce « mot-valise » (c’est comme « hipster », toute notre génération voit instinctivement ce que c’est, mais essayez d’expliquer à vos parents ce que ça veut dire, vous verrez que c’est pas si facile…).

Ceci n'est pas un extrait du clip de "Pop-Corn" par Crazy Frog

Ceci n’est pas un extrait du clip de « Pop-Corn » par Crazy Frog

Dans ce qu’il faut donc bien appeler, faute de mieux, le cinéma « geek », on trouve plusieurs tendances, chacune excellant à sa manière à stimuler imaginaire et fun, tout en ne nous prenant pas pour des Q.I d’huitre (et encore, je connais des huitres qui ont détesté « Lucy » de Luc Besson). On a les « geekintellos » (Christopher Nolan, les Wachowski période « Matrix »…) qui marient admirablement profondeur et émotions, les « geeképiques » (Peter Jackson, Georges Lucas…) et leurs épopées grandioses, les « geekfun » (Joss Whedon, Sam Raimi…) qui excellent dans le pur divertissement, les « geekstrange » et leur belle célébration de la différence (Tim Burton, Henri Selick…), etc.… On retrouve aussi, un peu à part, les « geekbêtesmaispasméchants » (le Todd Phillips du premier « Very Bad Trip », les « Scary Movie »…), débiles, certes, mais assumés.

Or, récemment, à coté de toutes ces catégories, une nouvelle famille « geek » s’est mis à détonner au cinéma. Ils sont peut-être moins profonds que d’autres, mais les plus dynamiques, les plus jouissifs, c’est peut-être bien eux. Eux, ce sont les « pop-geeks ». Parmi les membres les plus représentatifs : Quentin Tarantino, Matthew Vaughn, Zack Snyder ou encore Guy Ritchie.

…Et des « Pop-Geeks » en particulier

Tu viens plus aux soirées ?

Tu viens plus aux soirées ?

Souvent moins connus qu’un Nolan ou un Jackson, ils ont pourtant à leurs actifs une bonne somme de films cultes. Ils sont geeks, parce qu’incollables sur tout ce qui concerne cet univers, comme les jeux-vidéos (qu’ils adorent imiter l’espace de quelques scènes). Ils sont « pop » parce qu’ils sont tout aussi calés en ce qui concerne les grands mythes, légendes et autres idoles populaires. Leur grand truc, un peu à la manière d’un Warhol dans les arts plastiques, est de reprendre toute cette culture à leur sauce. Ils se l’approprient en y pillant tout ce qui les intéresse, sans déférence ni respect, mais n’en demeurent pas moins allergique à tout élitisme. Cette culture « pop geek » les attirent car ils la trouvent tour à tour sublime et ridicule, et souvent les deux en même temps. S’ils la célèbrent dans leurs films, c’est souvent pour mieux la moquer, et s’ils la moquent, c’est régulièrement pour la célébrer. L’Histoire n’échappe pas à cet ouvrage de démystification, les « pop-geeks » ne s’embarrassant pas de problèmes comme les anachronismes (la fin d’ « Inglorious Basterds » ou de nombreux détails des « Sherlock Holmes » de Ritchie sont d’excellents exemples).

"1,2,3 bras de fer chinois."

« 1,2,3 bras de fer chinois. »

Mais les caractéristiques du cinéma « pop-geek » ne s’arrêtent pas là. Les cinéastes de cette tendance partagent également un certains nombres d’autres points communs. Listons les principaux :

1° Musique et que tout le monde se mette à danser : Les cinéastes « pop-geek » adorent plus que tout récupérer des morceaux déjà existant pour composer une bande-originale délirante et décalé. Cet art de la récupération ne leur est certes pas propre. Néanmoins, les « pop-geek » le font à leur façon, adorant plus que tout mêler musique classique, tubes historiques, chansons kitsch, reprises et remix inattendus, et pépite méconnues pour former une playlist déjantée et décalée, au sens premier du mot. Dans le récent « Kingsman » de Vaughn, on retrouve aussi bien un bon rock des familles (Dire Straits), un disco punchy (KC&The Sunshine) et du classique (Edward Elgar). Bref, là où Kubrick mettra du Strauss, ils préféreront un synthé de Supertramp. Là où Coppola adoptera Wagner, Zack Snyder mettra « Rage against the machine » (mais remixé, s’il vous plait). Vous l’aurez compris : pour les « pop-geek » la musique de film est un bon gros plaisir coupable, une glace double napage caramel en été. C’est peut-être moins sublime qu’autre chose, mais qu’est-ce que c’est bon.

Le gendarme et le voleur.

Le gendarme et le voleur.

2° Ralenti et accéléré : Depuis Matrix, la mode du « ralenti » a envahi le cinéma grand public comme les mongols ont violé l’Europe au 12ème siécle : à vitesse grand V et en foutant le bordel. Depuis le « bullet time » de Néo, il n’y a presque plus un film dit « blockbuster » qui n’ait son moment ralenti. Les « pop-geeks », gros polissons qui aiment plus que tout récupérer les codes pour mieux les détourner, ont assumé la mode. Sauf qu’eux, ils le font avec classe et quand s’ils en abusent, no souci, c’est pour la caricature. Les scènes de baston de « Sherlock Holmes » de Guy Ritchie ou l’arrivée des Crazys 88 dans « Kill Bill » sont des musts. Mais le patron du slow (et je ne parle pas de la danse) c’est Zack Snyder. Un personnage un peu badass arrive ? Paf, ralenti, gros plan sur les muscles, puis sur le cigare, puis sur la cicatrice. C’est tellement exagéré que ça en devient énorme. Et, comme si ça ne suffisait pas, les « pop-geeks » adorent aussi enchainer « ralenti » puis « accéléré », histoire de ne pas faire les choses à moitié. Un bon exemple ? Le duel avec Gazelle à la fin de « Kingsman ».

Pan, pan motherfucker !

Pan, pan, motherfucker !

3° L’audace du plan : Les « pop-geeks » n’aiment pas la facilité : tout est bon pour impressionner le chaland. Et pour cela il y a les astuces de pépé, comme le travelling (parce qu’un travelling bien fait, « pop geek » ou pas, ça calme son monde ; n’est-ce pas « Birdman » et « True Detective S01E04 » ?) Mais attention : l’innovation est aussi fortement recommandée pour faire partie du club. Aussi, petits conseils aux « pop-geeks » en herbe : foutre sa caméra dans des endroits impossibles, utiliser du motion-capture, de l’image de synthèse, des couleurs flashy et des plans improbables sera généralement bien vue.

Voilà ce qu'il se passe, quand on fait des selfies au bord d'une falaise.

Voilà ce qu’il se passe quand on fait des selfies au bord d’une falaise.

4° La violence est pop : Qui a dit que la violence au cinéma était forcément dégueulasse ? Les « pop-geeks », en bons voyous qui ne respectent rien, ont plutôt choisit de la démystifier à grand coup d’exagération. Leurs films sont bourrés de combats, tous plus dingues et impossibles les uns que les autres. Le sang coule comme du ketchup, à tel point qu’on en rigole presque. Quand Django bute une meuf dans « Django Unchained », elle vole comme si elle avait pris un missile. Quand Black Mamba se bat contre les « Crazy 88 », elle les transforme en sushis. Et que dire de la scène de l’église de « Kingsman » ? On entend déjà les vieux réac’ hurler que tout cela « ne fait qu’augmenter la violence chez les jeunes, et nia nia nia, c’était mieux avant, on se fait un bridge ? ». On pourra leur rétorquer que tout ceci est tellement exagéré qu’il est difficile de comparer à la violence réelle. On pourra aussi arguer que, comme dans le cas des jeux-vidéos, ces films peuvent effectivement faire du mal à des personnes DEJA dans le mal psychologiquement mais que, pour les autres, ils servent simplement de nécessaire catharsis.

Black Mamba, Madame "Sang pour sang".

Black Mamba, Madame « Sang pour sang ».

5° To be cinéphile or not to be : En voilà qui connaissent leurs classiques. Même les plus improbables ! Les « pop-geeks » sont de véritables bibles cinématographiques et d’incroyables « DVDvores ». Résultats : leurs films, odes énamourées au 7ème art, sont une mine de références plus ou moins cachées. Le scénario, une réplique, un costume, un plan… tout est bon pour rendre hommage à un film, un cinéaste ou un mouvement cinématographique. A ce petit jeu-là Tarantino est le « king of the kings », mais l’ami Vaughn ne se débrouille pas trop mal non plus.

Saturday night fever

Saturday night fever

6° L’art du verbe : Un indispensable. Un film « pop-geeks » n’est rien sans ses dialogues d’anthologie. On peut les diviser grossièrement en deux catégories. La première concerne les répliques épiques, plus ou moins sérieuses. Balancées avant ou pendant une musique de bourrin, elles sont reprises en boucle sur les réseaux sociaux et dans les cours de récré. Jusqu’à la consécration suprême : atterrir dans l’application « Instant Button ». « This is Sparta ! », motherfuckers. La deuxième catégorie rassemble les dialogues délirants, merveilles d’absurdes et de trouvailles décalées. Ne citons que le dialogue à propos des snacks au début de Pulp Fiction. Le must du must ? Quand ces deux catégories, épique et délire, sont mêlés. Là, on touche au grandiose. Mais une bonne réplique n’est rien sans un personnage à la hauteur. Et, à nouveau, pour créer des personnages badass, déjantés, ou les deux à la fois, les pop-geeks sont des orfèvres. Brad Pitt en gitan dans « Snatch », putain !

Do you like dags ?

Do you like dags ?

7° Ne pas se prendre au sérieux : Peut-être la leçon la plus importante, petit scarabée. L’autodérision : voilà ce qui différencie un plaisir coupable d’un Roland Emmerich tout pourri (non je n’ai pas une dent contre Emmerich, c’est Emmerich qui a une dent contre nous tous, vu ses films). Les « pop-geeks » se moquent de tout, y compris d’eux-mêmes. Prendre leurs films au premier degré à a peu près autant d’intérêt que mater l’intégrale des Derrick avec sa prof de math (sauf si vous êtes en concubinage avec elle, mais si c’est Derrick qui vous stimule, je ne veux pas le savoir). Eviter donc les « mais c’est pas crédible », « mais c’est pas possible », « scientifiquement, je vous assure que »… Oui, on sait, et on s’en lustre l’asperge avec du Mr Propre.

Yves Saint-Laurent, collection automne-hiver.

Yves Saint-Laurent, collection automne-hiver.

Dans la famille « Pop-Geek », je voudrais :

Bien les enfants, maintenant que nous avons vu les principales caractéristiques du cinéma « pop-geek », je vais vous parler de Bob l’Eponge. Nan, je déconne. Profitons-en plutôt, si vous le voulez bien (mais si vous ne voulez pas c’est pareil, non mais oh !), pour dresser un petit portrait de famille, avec les principaux membres.

Le Grand-Père : Quentin Tarantino.

Elvis Tarantino

Elvis Tarantino

Le modèle c’est lui. Premier cinéaste à utiliser tous les codes ci-dessus, Quentin a posé les bases dès le départ, en patron. Amoureux transi du cinéma, il a déroulé une cinématographie hallucinante où se côtoient odes au western (« Django Unchained »), à la blacksploitation (« Jackie Brown »), au film de gangster (« Réservoir Dogs »)… La bande-son, la violence, l’art du dialogue sont des incontournables de son cinéma. Depuis les années 2000 sa tendance « pop-geek » s’est encore accentué avec des films comme « Kill Bill Vol. 1 » ou « Inglorious Basterds », plus nerveux que les précédents. Et l’hommage à la culture populaire ? Le titre de son plus grand film, « Pulp Fiction », parle de lui-même. Aujourd’hui, nombreux sont les cinéastes qui lui doivent beaucoup, les « pop-geeks » plus que tout autres. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui le moindre critique du cinéma croit déceler du Tarantino partout. Mais, malgré sa position de grand sage, Tarantino ne donne pas de leçons. Il se contente de faire ses films. Un papy qui, quand t’es grand, ne te fait plus la morale mais continue de te raconter de belles histoires, c’est pas mal, non ?

Oh merde, je peux pas encadrer les nazis.

Oh merde, je peux pas encadrer les nazis.

Le Sale Gosse : Matthew Vaughn.

Vaughn Bommel

Vaughn Bommel

Le plus impertinent, c’est sans aucun doute lui. Déjà, le mec est maqué avec Claudia Schiffer, ce qui en soit est déjà un bon gros doigt à toutes les générations qui ont fantasmé sur la mannequin. Mais bon, ça à la limite on s’en fout. Ce qui est beaucoup plus intéressant c’est le ton du cinéma de Vaughn : des films de sale gosse, qui ne respectent rien et se font plaisir, tout en n’oubliant jamais de faire plaisir aux autres (sinon, c’est de la masturbation, et en public c’est pas cool). Les films de Matthew, c’est un peu comme un mec en costume trois-pièce qui balanceraient de la bouse sur un établissement public (c’est plus ou moins le thème de « Kingsman » d’ailleurs). Du cinéma à la Arsène Lupin, quoi. Vaughn a commencé par booster une saga au bord de la crise d’asthme (X-Men) en lui offrant son meilleur film (oui, et venez pas me foutre une pichenette dans les burnes avec « Days of future past »). Ensuite, il s’est bien lâché sur « Kick-Ass » qui, au-delà de sa morale controversée, est quand même aussi jouissif qu’une course poursuite dans GTA. Et enfin, l’apothéose : « Kingsman », merveille sauvage en forme de longue montée en puissance jusqu’à un final d’anthologie. Un film où on retrouve quand même, entre milles autres choses, une princesse danoise, Samuel L. Jackson qui zozotte et un massacre dans une église extrémiste. Du lourd, du très très lourd.

"Les mecs, on avait dit pas de Boogie-Boogie..."

« Les mecs, on avait dit pas de Boogie-Boogie… »

Le Tonton : Zack Snyder.

Wesley Snyder

Wesley Snyder

Dans une famille, le tonton c’est généralement celui qui fait des blagues lourdes à table, qui met les deux pieds dans le plat sur les sujets sensibles, qui n’a jamais lu la définition de « finesse » dans le Petit Robert, et que malgré tout ça, on adore. Zack Snyder, chez les « pop-geeks » c’est un peu ça. Sans se prononcer sur les ressorts idéologiques de son cinéma (le débat est ouvert), faut bien admettre que le mec fait des films tellement exagérés qu’ils en deviennent cultes. « Plus c’est gros, plus ça passe ». Bon ok, parfois c’est trop, comme dans le cas de « Sucker Punch », qui est plus un jeu-vidéo géant qu’un film. Mais quand il tape juste, le père Snyder fait très mal : le cultissime « 300 » en est la plus belle preuve. Citons aussi le génialissime « Watchmen », sombre et punchy comme les plus savoureux cafés. Peut-être le meilleur film de super-héros derrière l’intouchable « The Dark Knight ». Bref, à coup de ralentis, de scènes épiques et de bandes-son délicieuses, Zack sait mieux que personne nous clouer au fauteuil. Il n’y a pas beaucoup plus geek, mais who cares ? Par contre, on passera sur « Man of steel », si ça ne vous dérange pas.

Il va vous mettre le grapin dessus

Il va vous mettre le grapin dessus

Le Beau-Père : Guy Ritchie.

He's the Guy

He’s the Guy

Bon, il faut bien admettre que Guy Ritchie ne fait pas que du cinéma « pop-geek ». Il fait du cinéma sérieux aussi, mais ça ne lui réussit pas trop. « A la dérive » est un excellent exemple (3,6/10 sur IMDB, quand même…). Bref, il faut bien le dire, Ritchie n’est jamais aussi bon que lorsqu’il nous balance un film ne se prenant pas au sérieux, bourré de gros plans, de répliques inoubliables et d’histoires sans queue ni tête. Le délicieux « Snatch » et son frère jumeau plus méconnu « Arnaques, crimes et botanique » (tout un programme) le prouvent à merveille. Récemment il a aussi administré une bonne dose de « speed » à ce bon vieux Sherlock Holmes pour offrir deux films géniaux, des divertissements comme on en redemande. C’est dans ces « Sherlock Holmes » que Guy Ritchie révèle son véritable coté « pop-geek » : ralentis, punchlines et autodérision s’y mêlent à merveille.

En mode posey

En mode posey

Le grand oncle : Robert Rodriguez.

James Rodriguez

James Rodriguez

Le meilleur poto cinéma de Quentin Tarantino partage avec lui quelques aventures cinématographiques délirantes mêlant vampires et western (« Une nuit en enfer ») et un amour inconditionnel pour les séries B. Le grand truc de Robert, c’est d’ailleurs de parodier les codes du nanar pour en faire des monuments de 40ème degré à l’image de la délicieuse série des « Machete », marquée par le « Nanarland seal of approval ». Pour le grand public, Rodriguez est surtout connu pour les deux « Sin City », adaptation viscérale des romans graphiques éponymes.

"Who give this motherfucker his green card ?"

« Who give this motherfucker his green card ? »

Le neveu surdoué : Edgar Wright.

That's Wright

That’s Wright

Sans doute le moins connu de la liste, mais évoquez ses films devant une assemblée un peu « geek » et vous verrez les yeux de votre auditoire pétiller. Car Edgar Wright c’est le génie qui nous a offert « Shaun of the Dead », relecture à la métamphétamine du film de zombie, et l’inoubliable « Hot Fuzz », à chaque fois avec le duo épique Simon Pegg/Nick Frost. Ca fait déjà une bonne raison de lui construire une statue, mais comme si ca ne suffisait pas, il a aussi réalisé « Scott Pilgrim », film savoureux en forme de jeu-vidéo, avec Michael Cera. L’esprit incroyablement décalé de ses films est sa marque de fabrique, et on attend avec impatience son « Ant-man ».

"I need a Hot Fuzz baby tonight..."

« I need a Hot Fuzz baby tonight… »

Le petit-fils prometteur : James Gunn.

Au calme avec mon raton-laveur.

Au calme avec mon raton-laveur.

Bien sur, un film ne suffit pas pour juger du caractère « pop-geek » d’un réalisateur. Néanmoins, à voir le génial « Les Gardiens de la Galaxie », on peut se dire que James Gunn a toutes ses chances pour intégrer « la famiglia » s’il continue sur cette lancée. Musique impec’, auto-dérision, scènes d’actions démentes… son dernier film est une copie quasi-parfaite du cahier des charges « pop-geeks ». On croit en toi, James !

Que des numéros 10 dans ma team.

Que des numéros 10 dans ma team.

Evidemment, la famille ne s’arrête pas là et il y aura, on l’espère, pleins de gamins à venir ! Parce que, pardon, mais c’est trop bon.

En conclusion, je signalerais juste que toute cette analyse n’est issue que de mon humble personne (et en cela hautement contestable). Elle ne vient d’aucun manuel de cinéma. D’ailleurs les manuels, je m’en méfie, j’en connais un, il a mal tourné, il est devenu premier ministre. Merci pour votre lecture !

Vincent Leconte

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